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prenant des exemples chez les animaux qui paraissent avoir la plus grande rapidité dans les mouvemens, et par conséquent dans les impressions, les insectes, on a vu que quelques-uns peuvent étendre et fléchir leurs ailes sept mille fois par seconde, ce qui donne une vitesse de cent onze pieds. Enfin, dans des expériences plus récentes, M. Helmholtz, avec un appareil ingénieux, a mesuré pour la transmission de l’agent nerveux une vitesse de quinze à vingt mètres par seconde. Dans le même temps, le son parcourt dans l’air plus de trois cents mètres, la lumière sept mille lieues, et l’électricité une distance plus grande encore. Il n’y a là rien de merveilleux, ni qui soit en dehors des phénomènes les mieux connus de la physique élémentaire.

Ainsi on distingue une sensation avec transmission au cerveau, excitation, puis nouvelle transmission avec mouvement. Ces deux transmissions, celle de l’impression reçue et celle de l’excitation nécessaire à la contraction du muscle, se font-elles par le même organe? En d’autres termes, les mêmes nerfs président-ils à la sensibilité et au mouvement? On savait depuis longtemps que celle-là peut être perdue, tandis que celui-ci reste intact, et Galien lui-même avait observé des paralysies des deux ordres; mais il a fallu des siècles pour que l’on pût conclure d’une manière certaine de la différence des fonctions à la différence des organes, et c’est il y a quarante ans à peu près que Charles Bell annonça que tout nerf émanant de la moelle épinière est formé de deux parties, l’une antérieure qui préside aux mouvemens, l’autre postérieure qui transmet les sensations. Chacune de ces parties se subdivise ensuite à l’infini et va porter dans les muscles et sous la peau la motricité et la sensibilité. Ces deux sortes de nerfs doivent être parcourus en sens inverse par l’agent nerveux. Dans les uns, il se propage de la périphérie au centre, dans les autres, du centre à la périphérie, car le cerveau reçoit les impressions et commande les mouvemens. Cette découverte de Charles Bell était sans doute importante, mais elle resta longtemps peu connue. Il ne l’avait publiée que dans un livre tiré à peu d’exemplaires et distribué à des amis. Il était d’ailleurs peu expérimentateur; ses observations n’avaient pas toute la netteté et la précision que les premières expériences d’un savant jeune alors, mais déjà célèbre, introduisaient dans la physiologie, et la division des nerfs ne fut admise par tout le monde que le jour où ce savant lui-même, M. Magendie, l’eut démontrée.

L’anatomie, la pathologie eurent bientôt confirmé ce que le raisonnement seul aurait suffi à prouver, mais le raisonnement n’est rien aux yeux du physiologiste, et, disait M. Magendie, on doit avoir des yeux et pas d’oreilles. Il y eut désormais deux sortes de nerfs.