Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 18.djvu/416

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

deux systèmes nerveux pour ainsi dire ; mais il faut remarquer tout d’abord que les fonctions de ces systèmes sont loin d’être indépendantes, et que les deux ordres de phénomènes sont solidaires. Il est assez difficile de concevoir un être vivant et sensible qui ne peut se mouvoir, et les allégories qui décrivent la transformation d’un homme en rocher ou en arbre sont toujours terribles et effrayantes. Dans les expériences même, la distinction peut rarement être complète, et bien des erreurs sont possibles. Chez les animaux, la sensibilité ne se traduit que par le mouvement, et l’on peut facilement confondre l’insensibilité avec la paralysie des nerfs moteurs, et réciproquement. Aussi les difficultés sont-elles grandes. Les membres devenus insensibles perdent bientôt une de leurs facultés précieuses, le sens musculaire, qui leur permet d’apprécier l’énergie de leurs contractions et la portée d’un effort donné. Ils déploient tantôt plus, tantôt moins de force qu’il n’est nécessaire. Un animal paralysé seulement quant à la sensibilité marcherait fort mal et même ne marcherait pas, car il ne saurait quels efforts faire pour soulever ses pattes, et il ne distinguerait pas le moment où elles sont soulevées de celui durant lequel elles reposent à terre. On verra mieux encore tout à l’heure quelles sont les relations intimes de la sensibilité et de la volonté. L’habitude de certains mouvemens, la tendance à exécuter avec le membre droit un mouvement analogue à celui du membre gauche, les dispositions anatomiques qui souvent empêchent un muscle de se contracter indépendamment de ses voisins, peuvent amener bien des causes d’erreur.

Le cours de physiologie professé par M. Bernard au Collège de France pendant les années 1856 et 1857 a été surtout consacré à l’étude des phénomènes nerveux; le savant professeur a perfectionné la distinction entre les nerfs du mouvement et ceux du sentiment, il a démontré les fonctions, les effets de la section, de l’irritation et de l’empoisonnement des uns et des autres. Il a éclairci bien des points de l’histoire de ces nerfs, il a expliqué et rectifié quelques erreurs qui avaient pénétré dans la science dès les premiers jours mêmes de la découverte de Ch. Bell, et qui l’avaient compromise. Un exemple montrera par quelle série d’efforts et de recherches délicates la science doit passer pour arriver à ces rectifications. Magendie, après quelques expériences qui avaient confirmé la distinction entre les nerfs moteurs et les nerfs sensitifs, s’était aperçu tout à coup que les racines motrices étaient sensibles; il avait reconnu presqu’en même temps que la section d’une racine sensible éteint la sensibilité de la racine motrice correspondante. La sensibilité du nerf moteur provenait donc de filets du nerf sensitif, dont les fibrilles extrêmes s’unissent aux nerfs du mouvement et retour-