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naître les phénomènes généraux, mais pour les détails, pour la connaissance de chaque nerf et de ses usages, ils ne peuvent suffire. Un procédé se présente aussitôt à l’esprit : puisque les nerfs aboutissent tous au cerveau ou à la moelle et tirent de ces centres leurs propriétés, la section doit leur enlever toute puissance. En coupant successivement chaque nerf, en remarquant ensuite quelles parties sont paralysées, quelles autres restent intactes, on doit voir quels nerfs animent chaque membre, chaque organe. Si, après la section du nerf facial, la physionomie reste immobile et incapable d’exprimer aucun sentiment ni aucune passion, tandis qu’après celle du nerf optique l’œil n’est plus sensible à la lumière, on en conclut que le premier préside aux mouvemens de la figure et l’autre au sens de la vue. Tel est le procédé le plus usité en physiologie. Pour connaître les fonctions d’un organe, on enlève cet organe et l’on examine les désordres qui surviennent. En empêchant les animaux de respirer, on peut étudier l’influence de la respiration sur la composition du sang; en enlevant le foie, on a vu la production du sucre s’arrêter, et l’on a vérifié la fonction glycogénique. Les phénomènes dont s’occupent les sciences naturelles ne peuvent guère être artificiellement produits et directement étudiés comme les phénomènes physiques. Pour déterminer l’action de la chaleur sur les métaux ou d’un alcali sur un acide, on fait chauffer une barre de fer, ou l’on verse de l’acide sulfurique dans une dissolution de potasse, et pourtant, même en chimie, on n’arrive à connaître la composition d’un corps qu’après l’avoir décomposé. Dans presque toutes les parties de la physiologie, il en est de même, et l’on ne peut étudier un phénomène que lorsqu’il a cessé de se produire; mais depuis quelque temps on a fait pour le système nerveux une heureuse exception à cette règle. On a vu que les nerfs peuvent être soumis à des irritations qui déterminent des réactions quelquefois morbides, souvent normales, que l’on peut étudier. L’agent ou le fluide nerveux, comme on voudra, n’affecte pas seul les nerfs et ne porte pas seul aux muscles l’excitation qui les fait contracter; la plus mystérieuse des forces naturelles dont les hommes disposent a elle-même une action, sinon identique, du moins très analogue à celle de cet agent. L’électricité ou mieux le galvanisme peut produire la sensation et le mouvement avec une précision si grande et si naturelle que l’on a pu croire que tout mouvement était un phénomène électrique. On peut avec une pile étudier l’action et la fonction de chaque nerf en particulier, comme celles du système général, rechercher les effets de la section ou des maladies de ce nerf, en observer la direction, mieux que ne pourraient le faire les minutieuses observations de l’anatomie la plus détaillée.