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Un nerf traversé par un courant électrique amène la contraction des muscles auxquels il se rend; mais ici une distinction est nécessaire. Le nerf ne transmet point au muscle l’électricité comme la conduirait un fil de fer ou de cuivre, tel que ceux qu’emploie le télégraphe électrique. Le phénomène est beaucoup plus complexe, et le nerf n’est pas purement passif. Le galvanisme agit sur le nerf, qui, à son tour, réagit sur le muscle. La propriété nerveuse est mise en mouvement, et le muscle est provoqué à se contracter. C’est là une question capitale dont tous les détails ne sont point élucidés, mais dont il faut connaître les difficultés pour avoir une idée un peu nette des faits qui nous occupent. Les muscles sont indépendans des nerfs et ont, pour ainsi dire, une vie spéciale. Ce ne sont point des substances inertes qui se contractent, comme le croient les enfans, lorsque les nerfs tirent les fibres qui les composent. Ils doivent bien aux nerfs leur sensibilité, mais la contractilité des muscles est indépendante et leur est essentielle. Cette contractilité, ou, si l’on veut, cette irritabilité, car ici la science est tellement obstruée de mots qu’il faut les prendre un peu au hasard pour ne point se perdre dans de stériles distinctions, se manifeste après toute excitation mécanique, électrique ou nerveuse. Haller connaissait cette propriété, mais il l’avait plutôt devinée que démontrée ; elle est hors de doute aujourd’hui. En effet, un muscle privé de nerf se contracte encore s’il est traversé par un courant électrique, et ces contractions survivent même à la mort; elles disparaissent seulement d’autant plus vite que l’animal est plus parfait. Ainsi il est rare que l’irritabilité du muscle dure plus d’une heure chez l’homme, tandis que les muscles d’une grenouille morte depuis quinze ou vingt heures peuvent encore se contracter. L’affluence du sang, et surtout du sang artériel, paraît avoir une grande action sur la durée et sur l’existence de cette propriété. Enfin elle persiste aussi plus ou moins suivant le genre de mort, et les poisons qui tuent les nerfs ne tuent pas du même coup les muscles. Le cœur se contracte longtemps après que les nerfs du mouvement ont été paralysés par le curare et sont devenus incapables même de transmettre les irritations électriques. Outre la paralysie du mouvement et celle du sentiment, en voici donc une troisième, celle des muscles eux-mêmes indépendamment des nerfs. Tandis que le curare amène la première, la strychnine la seconde, celle-ci paraît pouvoir être artificiellement produite parle sulfo-cyanure de potassium. Sur ces points délicats, on ne peut insister, car l’esprit se perd lorsqu’on songe aux complications infinies que présente cette science si nouvelle et si peu connue. Les contradictions y abondent, et on y voit se multiplier ces phases scientifiques si fréquentes et toujours singulières, où une, théorie, d’abord