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n’en supportait réellement qu’une partie. Les impôts de consommation, les produits des domaines, les postes, etc., produisaient environ 380 millions; les impôts directs sur le sol, comme les tailles et les vingtièmes, en rapportaient tout au plus 220, en y comprenant les contributions des pays d’états et même les corvées. A l’impôt proprement dit venaient se joindre les dîmes, qui rapportaient, comme on l’a vu, 130 millions, d’où il suit que le fardeau total devait être de 350 millions, devenu encore plus lourd pour une partie des contribuables par suite d’une répartition très inégale. L’impôt direct est aujourd’hui un peu allégé, et surtout il est mieux réparti, mais en même temps les autres branches des recettes publiques, dont la propriété rurale supporte sa part, ont pris un énorme accroissement. Le droit seigneurial de lods et ventes, qui rapportait en 1789, suivant M. Bailly, 38 millions, a plus que sextuplé depuis qu’il est devenu un droit de l’état. Les impôts indirects, dont les noms seuls ont changé, ont monté presque aussi vite. Somme toute, nous payons aujourd’hui le double de ce que payaient nos pères, dîmes comprises. Il est vrai que, la richesse générale ayant au moins triplé, il est plus facile aujourd’hui de payer 1,500 millions qu’alors d’en payer la moitié[1]; mais cette progression dans les taxes n’en est pas moins regrettable. Ce sont les guerres de la révolution et de l’empire qui l’ont rendue nécessaire; par elles, la dette publique s’est reformée, malgré de honteuses banqueroutes, et exige aujourd’hui une dotation annuelle de 500 millions. Les idées de 1789 donnent les moyens de payer ce gros budget, mais elles ne l’ont pas fait, et si elles avaient pleinement triomphé, il ne serait pas.

Arthur Young évalue à dix-neuf sous le prix moyen de la journée de travail, qui doit être aujourd’hui d’un franc cinquante centimes. Bien que la nation rurale soit restée à peu près la même, puisque les statistiques du temps accusaient 20 millions dépopulation rurale comme celles d’aujourd’hui, l’excédant de population survenu de- puis 1789 s’étant concentré dans les villes, le nombre effectif des journées de travail est plus grand, d’abord parce que, la vie moyenne s’étant allongée, le nombre des hommes valides s’est élevé, et en- suite parce que le travail est mieux organisé, soit par la suppression

  1. Je ne sais pourquoi M. Railly, dans son Histoire financière de la France, après avoir porté les impôts de toute espèce perçus en 1789, soit par l’état, soit par les provinces, soit par les particuliers et les communautés, à 880 millions, ce qui est déjà exagéré, puisqu’il y comprend des tributs volontaires comme le produit des quêtes des ordres mendians, estime ensuite cette somme de 880 millions à 1,271 millions de notre monnaie actuelle. La livre tournois n’équivalait comme poids d’argent qu’à 98 centimes : il y aurait donc plutôt à réduire la somme qu’à l’augmenter. M. Bailly s’appuie sur le prix du blé, qui, suivant lui, aurait haussé de 30 pour 100 depuis 1789; mais cette supposition est toute gratuite.