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représentation neuve aussi des intérêts, et des sentimens publics. Tout porte à croire que le gouvernement sera facile avec des élémens si favorables. La Prusse est si satisfaite du changement qui s’opère dans le personnel et dans le système du pouvoir, qu’elle n’est point exigeante et ne manifeste aucune passion malveillante. Ce qui se passe en Prusse est comme un soulagement de la conscience publique; c’est le bonheur qu’éprouve tout un peuple de respirer librement après avoir été débarrassé d’un système mesquin qui l’étouffait et l’agaçait; c’est la confiance d’une nation fière qui sent que, dignement représentée, elle va reprendre sa place légitime dans le monde.

Ce qui se passe en Prusse excite à juste titre les applaudissemens de l’Angleterre. Le mariage du prince de Prusse, fils du régent, avec la princesse Victoria, mariage dont les cérémonies s’accomplirent au milieu des manifestations les plus cordiales et les plus expansives de l’enthousiasme populaire, a été comme le prélude du nouveau régime. L’établissement de la régence en Prusse n’est donc pas seulement un fait purement intérieur : c’est aussi un changement dans le système des affinités politiques, pour ne pas dire des alliances, où s’équilibrent les états européens. Les auteurs des brochures qui se multiplient parmi nous contre l’Angleterre feraient peut-être bien de tenir compte de cet incident, et de prendre garde que, dans les jugemens qu’ils portent sur l’état actuel de l’Angleterre, ils sont tous en arrière d’une année. La situation de l’Angleterre a bien changé depuis un an : dans l’improvisation brillante dont il a animé le banquet du lord-maire, lord Derby vient de le constater avec une patriotique satisfaction. La révolte des cipayes pourra laisser pendant des mois, et peut-être des années, des fermens de troubles dans les vastes possessions anglaises d’Asie ; mais la grande insurrection, la rébellion organisée, la guerre qui mettait en péril la domination de l’Angleterre, peut être considérée comme terminée. La crise commerciale, qui sévissait si cruellement il y a un an, est finie depuis plusieurs mois. L’industrie a repris ses travaux; le commerce a recommencé ses armemens, et les revenus publics ont recouvré leur élasticité croissante. Ce n’est point le seul conseil que nous donnerons aux auteurs des brochures contre l’Angleterre. Nous avons sous les yeux un nouvel écrit de ce genre, qui porte ce titre : l’Angleterre et la Guerre. L’objet de l’auteur est celui-ci : prouver que l’Angleterre ne serait point en mesure aujourd’hui de faire dans une guerre contre la France le déploiement de forces qu’elle a pu accomplir durant les luttes du premier empire. Nous pourrions demander s’il y a quelque opportunité à soulever une pareille question, et si ce n’est point être dupe de la superstition et de la fatalité des noms que d’évoquer sans cesse le souvenir des luttes du premier empire et le cauchemar de ces guerres sanglantes contre lesquelles protestent aujourd’hui la conscience et les intérêts du genre humain. Nous nous contenterons de faire deux représentations à ces anglophobes. Pourquoi d’abord parlent-ils de ce qu’ils ignorent? Pourquoi veulent-ils juger l’Angleterre sans savoir l’anglais? Pourquoi cherchent-ils leurs statistiques et les élémens de leurs opinions dans des livres de seconde main, dans des traductions incorrectes et incomplètes, dans des compilations qui ont vieilli et qui n’ont plus aucun rapport avec les faits actuels ? C’est ce qui arrive notamment à l’auteur de l’écrit que nous venons de signaler. Cet écrivain inexpérimenté,