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quait 50 degrés moins un dixième le jour de mon départ à quatre heures. Le curé me remit lui-même sa dernière observation au moment où je montais à cheval ; c’est un certificat que je conserve en témoignage d’un climat qui, pendant les derniers jours, m’a paru terrible.

Parti d’El-Aghouat un dimanche, après vêpres, — comme on dirait en pays chrétien, — j’étais à Boghari le vendredi matin à huit heures et demie. J’allai droit au caravansérail, où je m’établis. J’y passai la journée avec mon domestique et mes chameliers, couché sur la dure banquette d’un hangar, et dans une ombre qui n’était pas beaucoup plus rafraîchissante que le soleil. Le soir, un cavalier entra dans la cour du fondouk ; c’était Yandell. Il avait appris mon départ, puis mon retour ; il venait à ma rencontre à Boghari, se doutant bien que je ne monterais point à Boghar.

— À la bonne heure ! dit-il en m’examinant, pour cette fois vous ressemblez à un voyageur.

— Mon cher ami, lui répondis-je, je meurs de soif !

Et je le regardais, comme si la vue seule d’un ami revenant du nord allait déjà me désaltérer.

Le lendemain, à trois heures et demie du matin, la lune brillant encore et le jour blanchissant à peine, nous reprenions ensemble la route de Medeah. Nous avions assez bien employé l’un et l’autre ces trois mois d’absence, lui au profit de l’érudition, moi de mes études.

— Qui vous a donc décidé à partir ? me demanda-t-il.

Je ne lui dis point que c’était son propre exemple, et je lui parlai seulement de la rencontre fortuite des Sahariens d’El-Aghouat.

— Et qu’avez-vous vu là-bas ?

— L’été, lui dis-je.

— C’est un peu vague, objecta Vandell ; mais chacun a son point de vue.

Les moissons étaient coupées depuis longtemps, et dans la vallée de l’Oued-el-Akoum je ne retrouvai plus qu’une étendue sans diversité de terre sèche et redevenue poudreuse. Le soleil avait dévoré des chaumes le peu qui restait sur pied. La chaleur était extrême, même à l’abri des bois dans la montagne ; les pins exhalaient une odeur suffocante de résine , et le cri des cigales, se mêlant aux craquemens des rameaux échauffés, formait autour de nous comme un pétillement d’incendie. Il fallut cheminer jusqu’à deux heures pour trouver enfin une source digne de ce nom.

C’était un réservoir d’eau limpide, profonde et glacée, ombragée par de grands arbres et reposant, comme dans une corbeille, au milieu de lauriers-roses tout épanouis.