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me sied pas de disputer en aucune chose contre votre seigneurie, qui écrit mieux sur le moindre des sujets que je ne puis le faire sur le meilleur. » Cette réplique paraissait vive. J’ai trouvé chez lui de beaux morceaux, je n’en ai jamais rencontré d’agréables ; il ne sait pas même disserter avec goût. Les personnages de son Essai sur le Drame se croient encore sur les bancs de l’école, citent doctoralement Paterculus, et en latin encore, combattent la définition de l’adversaire en remarquant qu’elle est faite a genere et fine, au lieu d’être établie selon la bonne règle, d’après le genre et l’espèce. « On m’accuse, dit-il doctoralement dans une préface, d’avoir choisi des personnes débauchées pour protagonistes ou personnages principaux de mon drame, et de les avoir rendus heureux dans la conclusion de ma pièce, ce qui est contre la loi de la comédie, qui est de récompenser la vertu et de punir le vice. » Ailleurs il déclare « qu’il ne veut pas abolir dans la passion l’emploi des métaphores, parce que Longin les juge nécessaires pour l’exciter. » Son grand discours sur l’origine et les progrès de la satire fourmille d’inutilités, de longueurs, de recherches et de comparaisons de commentateur. Il ne sait pas effacer en lui l’érudit, le logicien, le rhétoricien, pour ne montrer que « l’honnête homme. »

Mais l’homme de cœur apparaît souvent ; à travers plusieurs chutes et beaucoup de glissades, on découvre un esprit qui se tient debout, plié plutôt par convenance que par nature, ayant de l’élan et du souffle, occupé de pensées graves, et livrant sa conduite à ses convictions. Il se convertit loyalement et après réflexion à la religion catholique, y persévéra après la chute de Jacques II, perdit sa place d’historiographe et de poète lauréat, et quoique pauvre, chargé de famille et infirme, refusa de dédier son Virgile au roi Guillaume. « La dissimulation, écrit-il à ses fils, quoique permise en quelques cas, n’est pas mon talent. Cependant, pour l’amour de vous, je lutterai contre la franchise de ma nature. Au reste je ne me flatte d’aucune espérance, mais je fais mon devoir et je souffre pour l’amour de Dieu. Vous savez que les profits de mon livre auraient pu être plus grands, mais ni ma conscience ni mon honneur ne me permettaient de les prendre. Je ne me repentirai jamais de ma constance, puisque je suis profondément persuadé de la justice de la cause pour laquelle je souffre. » Un de ses fils ayant été renvoyé de l’école, il écrivit au directeur, M. Busby, son ancien maître, avec une gravité et une noblesse très grandes, le priant sans s’humilier, le désapprouvant sans l’offenser, d’un style contenu et fier qui fait plaisir, lui redemandant ses bonnes grâces, sinon comme une dette envers le père, du moins comme un don pour l’enfant, et ajoutant à la fin : « Je mérite pourtant quelque chose, ne serait-ce que pour