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tinée du jeune héros est restée enveloppée de doutes et d’obscurité. « On craint, ajoute-t-il, qu’en cherchant à s’échapper, il ne soit tombé entre les mains de quelques brigands villageois appartenant probablement à la caste des Goujurs, et qui infestaient la route de Delhi à Meerut. »

Pendant que l’arsenal tenait encore, que se passait-il dans les cantonnemens de Delhi, situés à quelques kilomètres de cette capitale? Aussitôt que la nouvelle de l’arrivée des cipayes parvint au brigadier Graves, qui s’y trouvait à la tête de trois régimens indigènes et d’une batterie d’artillerie également indigène, il fit prendre immédiatement les armes à celui de ces trois corps dont il se croyait le plus sûr (le 54e), et il l’envoya, avec deux canons, à la rencontre des rebelles. A peine la petite colonne avait-elle dépassé la porte de Cachemyr, et au moment où elle débouchait devant l’église Saint-James, les cavaliers du 3e arrivèrent sur elle au galop, et, attaquant seulement les officiers européens, les tuèrent à coups de pistolet. Un seul, le colonel Ripley, fut chargé à coups de baïonnette et renversé par un de ses soldats, qui l’acheva par terre d’un coup de feu. Devant ces assassinats, les cipayes du 54e demeuraient immobiles, témoins indifférens, impassibles. Pas un bras ne se leva, pas un mot ne fut prononcé pour arrêter l’œuvre de sang. L’officier indien, de garde à la porte de Cachemyr, se hâta de la fermer, afin d’empêcher toute communication entre les cantonnemens et la ville. Il fut cependant obligé de livrer passage aux deux pièces d’artillerie qui étaient restées en dehors des murs et que le capitaine de Teissier (un Français probablement, au moins d’origine) amenait malheureusement trop tard. La seule vue des canons mit en fuite les sowars rebelles; mais le 54e de son côté se débanda presque aussitôt et courut au pillage. Il était onze heures lorsque la nouvelle de ce désastre parvint aux cantonnemens. Deux autres canons et cent cinquante hommes d’infanterie (indigènes) furent expédiés aussitôt, non sans doute en vue d’une répression quelconque, mais pour protéger la fuite des résidens européens. Arrivé à midi à la porte de Cachemyr, ce petit détachement s’y maintint encore quelques heures, et ce fut tout. On recueillit, on chargea sur un chariot les cadavres des officiers du 54e gisant encore à quelques pas du poste ainsi conservé; on les expédia aux cantonnemens où le capitaine de Teissier était retourné pour mettre en batterie ses deux derniers canons, de manière à balayer la route par où les rebelles pouvaient essayer une attaque. De cette précaution dépendait aussi le salut d’une foule de fugitifs européens, femmes, enfans, négocians, etc., qui s’étaient déjà réfugiés autour d’un bâtiment élevé sur une éminence voisine (Flag-Staff-Tower).