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un maître ès-sciences si vous voulez connaître d’une manière scientifique les grandes lois du cœur, mais consultez-le en toute assurance si vous voulez connaître quelle variété de maladie amoureuse vous avez ressentie, et à quelle affection se rapportent certains symptômes que vous éprouvez. Que dites-vous par exemple de cette description des symptômes auxquels on reconnaît la crise au moment de la seconde jeunesse chez les femmes? « J’ai vu avec étonnement le front poli de cette duchesse s’essayer aux rides roturières, aux pâleurs populacières de la mélancolie; j’ai respiré avec terreur dans cette élocution, jadis si sobre, je ne sais quel fade parfum poétique. D’autres fois on dirait que nous retombons en enfance, tant la tournure de notre discours se fait mignarde et précieuse; nous y joignons des gestes de petite fille, ou bien brusquement notre phrase, tout à l’heure pudique jusqu’à la puérilité, se décoche en un trait presque grivois, en une question d’une curiosité inqualifiable.... Elle ne se rend compte ni de l’objet de son trouble ni du but de son anxiété; mais son humeur, son langage s’altèrent, ses préoccupations confuses se trahissent malgré elle; tantôt elle se fait petite fille, comme pour supplier qu’on veuille bien tout lui dire, tantôt elle se vieillit et voudrait paraître corrompue, afin qu’on n’eût plus de raisons de lui rien cacher. » Il est impossible de mieux dire, et on n’est pas meilleur médecin. Et cette description des demoiselles : « Jamais visage de femme ne m’a troublé; mais jamais dans un salon je n’ai pu contempler sans une sorte de vertige cet abîme couvert de fleurs qu’on appelle une demoiselle. Une demoiselle! L’as-tu remarqué, et n’en as-tu pas frémi?... Elles se ressemblent toutes, celles qui ont de l’esprit et celles qui n’en ont pas, celles qui pensent et celles qui végètent, celles qui ont du cœur et celles qui ne valent rien... Elles se ressemblent toutes ! Ces diversités infinies d’humeur, d’intelligence, de sentimens, que la nature a répandues entre elles, se fondent et disparaissent dans une teinte uniforme de béate innocence et de pudeur officielle. Si un instinct fatal ne nous poussait, qui de nous oserait jamais sonder ce mystère formidable et livrer aussi aveuglément sa vie à l’inconnu? Songe donc! Cette effigie monotone, à peine installée sous ton toit, la voilà qui prend soudain à tes yeux effarés une existence individuelle, un caractère, une volonté : cette plante si longtemps comprimée se déploie tout à coup avec une effrayante énergie dans mille directions imprévues. » Les traits charmans, hardis, pénétrans, ne manquent pas à côté de ces descriptions minutieuses et savantes; nous en prendrons un ou deux au hasard. En voici un qui n’est que trop lamentablement vrai : « Il en est du chemin de la vie comme des routes de ce pays à certains jours de fêtes patronales qu’on nomme