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Un aperçu aussi rapide ne peut servir qu’à faire comprendre comment le Pendjab, au lieu d’être gouverné de la même manière que les pays annexés dès longtemps à l’empire anglo-indien, se trouvait encore en 1857 sous un régime spécial, établi d’après les erremens qu’avait rendus populaires l’heureuse administration de sir Charles Napier dans le Scinde. C’est le système gouvernemental qui, dans la langue usuelle de la bureaucratie britannique, a reçu le nom de non-regulation, assez expressif dans sa naïveté concise. Quelques écrivains spéciaux, M. Raikes, par exemple, un des principaux magistrats de l’Inde[1], l’appellent aussi « le système du Pendjab.»

Il serait certainement très intéressant d’exposer ici, tout au moins dans leurs généralités, ces deux modes d’administration, et de rechercher lequel des deux s’applique le mieux au pays qu’il s’agit de faire prospérer tout en le maintenant sous le joug britannique. Les matériaux ne manqueraient pas pour ce travail, s’il rentrait dans notre plan; mais nous devons nous borner à une rapide appréciation, simplement destinée à jeter quelque jour sur les récits qui vont suivre. Dans les pays que nous appellerons réguliers (regulation system provinces), dans les provinces du nord-ouest par exemple, on applique rigoureusement les principes inaugurés au Bengale lors de la rédaction du code de 1793. Ces principes placent le magistrat civil et le collecteur du revenu, l’administration proprement dite, sous le contrôle du pouvoir judiciaire, qui n’exerce aucune influence politique en dehors de ce contrôle. De cette division des fonctions et de cette anomalie qui subordonne le plus réellement puissant des deux agens du pouvoir à l’autorité accidentelle, exceptionnelle, d’un supérieur réellement investi d’une influence et d’une puissance moindres, dérivent, à ce qu’il paraît, de graves inconvéniens. Les rivalités, les froissemens se multiplient, fomentés avec soin par les fonctionnaires indigènes, que réjouit singulièrement tout conflit survenu entre ces maîtres impérieux que lui expédie la métropole. Le magistrale collector, souverain du district, se montre facilement insubordonné envers un juge qui sur son siège seulement, et dans certains cas, peut annuler ses décisions. Le juge de son côté, par cela même qu’il se sent, à un jour donné, supérieur au chef politique et à l’agent du fisc, revendique parfois indûment une extension d’influence et d’autorité qui lui est naturellement contestée avec ardeur. Ces luttes surprennent, ébahissent les contribuables de l’un, qui sont aussi les justiciables de l’autre.

  1. M. Raikes est l’auteur de deux ouvrages très distincts. L’un a pour titre Notes on the North-Western Provinces of India (Chapman and Hall 1852); l’autre, publié en 1858 chez Longman and C°, est intitulé Notes on the Revolt in the North-Western Provinces of India, Ly Charles Raikes, judge of the Sudder Court at Agra, late civil commissioner with sir Colin Campbell.