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lians, et fut, assure-t-on, partagée par quelques-uns des rares militaires que l’état de leur santé retenait, malgré eux, dans les pacifiques vallons de l’Himalaya. Il y eut des phénomènes d’hallucination vraiment remarquables; des télescopes braqués sur Simlah firent voir la ville en feu, la banque pillée, les Ghourkas déchaînés, alors que néanmoins aucun désordre ne se manifestait dans ce Vichy, ce Cauterets de l’Inde; des lettres furent écrites où d’éternels adieux étaient adressés à leurs amies par des dames aujourd’hui fort bien portantes. Certains fuyards firent trente milles d’une seule traite pour s’éloigner du volcan qui n’existait pas, et, ce qui rend cette comédie un peu trop dramatique, quelques-uns périrent, soit de fatigue, soit de terreur.


IV.

Les événemens, que nous racontons autant que possible dans leur ordre chronologique, nous ont conduit jusqu’aux premiers jours de juillet. C’est alors qu’éclatèrent coup sur coup la révolte de Jhelum et celle de Sealkote, deux stations fort isolées, au nord de Lahore, sur la frontière qui confine aux états de Gholab-Singh.

Toutes deux étaient absolument livrées aux cipayes. Les régimens stationnés à Jhelum donnant quelque lieu de craindre leurs dispositions, on commença par faire sortir l’un dieux, le 39e, qui se laissa bénévolement emmener du côté de Shahpore, croyant marcher à quelque expédition contre un des petits rajahs du pays. Là, isolé de toute influence et ne sachant à quel mouvement se rattacher, il se laissa désarmer sans résistance. Le 14e, resté à Jhelum, était espionné de près, et on savait qu’il s’y était formé deux partis, l’un pour la soumission, l’autre pour la révolte, dont l’influence prenait alternativement le dessus. Les choses étant bientôt venues au point de rendre le désarmement inévitable, un détachement anglais de 250 hommes, avec trois pièces de campagne, et une fraction du corps de cavalerie formé dans le Moultan prirent le chemin de Jhelum. A peine parurent-ils en vue des cantonnemens, où le colonel du 14e avait eu l’imprudence d’annoncer leur arrivée, que la révolte éclata soudainement. Les cipayes tirèrent sur leurs officiers, dont aucun heureusement ne fut atteint, et, retranchés dans leurs ca-