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Toutefois, sans pousser les exigences au-delà du possible, il est permis de souhaiter dès à présent pour la gravure un mode de protection plus efficace et des occasions de progrès plus continues. Le régime de l’enseignement par exemple, le programme des conditioas faites aux jeunes graveurs, réclameraient, ce semble, quelques modifications, sinon même une révision complète. Est-ce assez que la quatrième classe de l’Institut envoie tous les deux ans un lauréat à Rome, où, soit dit en passant, les grands monumens de la peinture et de la sculpture ne manquent certes pas, mais où les beaux spécimens de la gravure sont infiniment plus rares qu’à Paris ? L’École des Beaux-Arts a-t-elle simplement pour mission de récompenser le talent, quels qu’en soient d’ailleurs les précédens et l’origine, et ne conviendrait-il pas avant tout qu’elle fût appelée à le former ? Or non-seulement il n’existe pas de classe de gravure dans cette école, mais, même avant l’époque où s’ouvrent les concours préparatoires pour le grand prix, les pensionnaires futurs de l’Académie de France à Rome n’ont aucune épreuve préalable à subir, aucun gage à donner de leur habileté naissante, par conséquent aucun conseil à recevoir au moment où les conseils leur seraient le plus profitables. Les élèves, peintres, architectes ou sculpteurs, admis à l’École des Beaux-Arts y trouvent au moins des professeurs spéciaux, des tâches définies qui, en leur fournissant graduellement l’occasion de faire leurs preuves, leur permettent d’acquérir dans une certaine mesure l’expérience de l’art. Pourquoi les graveurs seraient-ils privés des mêmes ressources, et se verraient-ils en quelque sorte exceptés des lois libérales qui régissent en France l’éducation des artistes ? En souhaitant que cette exception ne subsiste plus, nous ne faisons au reste que nous associer au vœu qu’exprimaient assez récemment les juges les plus autorisés et le mieux placés pour poser la question. L’Académie, consultée par le gouvernement sur les changemens à introduire dans l’organisation actuelle des Beaux-Arts, a demandé, à titre d’amélioration urgente, la création d’une école de gravure[1]. Espérons qu’un avis venu de si haut lieu sera favorablement accueilli, et que des mesures seront prises pour combler au plus tôt une regrettable lacune dans les encouragemens actuels et dans l’enseignement.

Nous ne voulons pas cependant exagérer l’efficacité du moyen. Si l’éducation des graveurs est désormais moins hasardeuse, il ne suivra de là pour eux sans doute ni la certitude absolue du succès, ni la possession de ressources suffisantes pour lutter contre les dif-

  1. Rapport de l’Académie des Beaux-Arts sur l’ouvrage de M. Le comte de Laborde : De l’Union des Arts et de l’Industrie, 1858, p. 23.