Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 18.djvu/890

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vocation qui chez lui règle l’attitude. On reconnaîtra toutefois dans cette noble figure militaire beaucoup de courtoisie et d’aménité, dons charmans que le prince tient de son illustre mère la reine Louise. C’est très beau sans doute d’être un vaillant soldat et d’en avoir l’air; mais pour faire un roi, pour faire surtout un régent, il faut encore bien d’autres choses. Or, chez le prince de Prusse, on me paraît avoir beaucoup exagéré le militaire aux dépens du politique. Esprit avisé et perfectible en même temps qu’honnête, le prince de Prusse appartient cependant à cette classe d’hommes pour lesquels aucun enseignement n’est perdu. Lui aussi eut ses mauvais jours, ses instans de trouble et d’erreur, auxquels, malheureusement pour les principes qu’ils représentent, les légitimes héritiers des races royales sont soumis comme les autres hommes, et si nous rappelons l’émigration en Angleterre de 1848, cet abandon précipité du sol de la patrie au plus fort de la tourmente révolutionnaire, c’est moins pour relever une faute désormais oubliée que pour appuyer sur la manière dont cette faute même devint profitable aux garanties futures de l’Allemagne. On ne respire pas impunément l’air d’un pays libre. Accouru en Angleterre sur les conseils et les instances du plus aveugle des partis, le frère de Frédéric-Guillaume IV y fit en quelque sorte son éducation constitutionnelle, et ce fut là sans doute ce qui amena plus tard entre le jeune fils du prince et la fille aînée de la reine Victoria cette alliance dont la Prusse à bon droit se montre aujourd’hui si fière.

Nous citerons une autre circonstance qui, non moins que ce séjour en Angleterre, devait servir au prince de Prusse pour secouer à tout jamais l’esprit de coterie. On se souvient des violens débats qui s’élevèrent au sujet de la constitution fédérale, dont la majorité de l’assemblée de Francfort réclamait la réforme. C’était le vœu de l’Allemagne entière, et la politique de la Prusse dut s’y associer; mais en dépit des plus vaillans efforts cette politique échoua contre le mauvais vouloir de l’Autriche, énergiquement soutenue à cette époque par la Russie. Le prince de Prusse, qui s’était ouvertement déclaré pour la réforme, éprouva un profond ressentiment de cet échec, et à dater de ce moment il tourna le dos au parti de la Croix, lequel n’a jamais compris qu’il puisse y avoir de salut pour la Prusse en dehors d’une absolue soumission à la politique de l’Autriche et de la Russie. Comme il répugnait à sa loyauté de faire de l’opposition au gouvernement de son frère, il se confina dans son commandement militaire des provinces rhénanes, où il demeura jusqu’au moment où la guerre d’Orient vint de nouveau mettre aux prises les divers partis. On sait les dissidences d’opinion qui éclatèrent entre le roi et le prince de Prusse, dissidences vigoureusement exploitées par l’ambassade russe s’aidant du parti de la Croix, et qui