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gence dans plusieurs missions hydrographiques; personne ne connaissait la Manche mieux que lui, et il avait fait, entre autres travaux, une étude approfondie de l’influence qu’avaient dû exercer sur les manœuvres et les conséquences de la bataille de La Hougue les courans de marée qui se précipitent et se renversent sur les flancs de la presqu’île du Cotentin. L’esprit tendu sur cette sanglante expérience et convaincu que des circonstances hydrographiques imparfaitement connues avaient dérangé les plans de Tourville, il s’était naturellement demandé ce qu’aurait fait ce glorieux vaincu si les projets de Vauban sur Cherbourg eussent été exécutés en 1692, et ses calculs sur l’espace abrité en avaient fait ressortir l’insuffisance, soit pour l’essor d’une expédition, soit pour la réparation d’une défaite. Ce fut alors qu’il conçut le dessein de porter à une lieue au large les digues qu’on voulait enraciner à l’Ile-Pelée et à la pointe du Houmet, et de mettre à couvert les manœuvres d’appareillage et de mouillage qui, dans le système de Vauban, se seraient faites à découvert. L’idée de jetées en pleine mer semble aujourd’hui la plus simple du monde; en 1775, elle pouvait passer pour une témérité. M. Lefèvre, ingénieur en chef de la généralité de Caen, la déclara praticable, et le duc d’Harcourt l’adopta avec enthousiasme. Il se rendit avec M. de La Bretonnière à Paris, et fit accepter ses vues par le roi et par son ministre. M. de Sartines désira que l’ensemble des nouvelles propositions fût exposé dans un mémoire qui lui fut présenté en 1777[1]. Un grand pas était franchi: mais il en restait encore beaucoup à faire.

Alors comme aujourd’hui, le ministère de la marine était chargé des travaux maritimes proprement dits, et celui de la guerre des

  1. Ce mémoire a été imprimé à Cherbourg en 1796 sous le titre de Mémoire fait par ordre de M. de Sartines, ministre de la marine en 1777, d’après lequel le gouvernement a formé l’entreprise des travaux de Cherbourg-en 1783 sous le ministère du maréchal de Castries. Il est devenu fort difficile de se le procurer. Quoiqu’il soit sans nom d’auteur, on l’a toujours attribué à M. de La Bretonnière, et le doute le plus léger ne saurait se soutenir à cet égard en présence des notes et des correspondances de la main du savant marin qui sont dans les archives de la maison d’Harcourt. On referait le mémoire en coordonnant les notes.