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M. Decaux, le commandant du génie, opposa aux témérités du gouverneur de la province le projet d’un brise-lame aligné sur le fort du Houmet et le fort de l’Ile-Pelée. Facile à construire, cette digue aurait été facile à défendre; mais elle n’aurait mis à couvert que le mouillage de deux ou trois vaisseaux de ligne, elle aurait laissé le véritable mouillage en dehors, ou plutôt elle y aurait fait l’office d’un écueil, et, de simplement mauvais qu’il était, elle l’aurait rendu tout à fait impraticable. Ces inconvéniens se manifestent clairement à la simple inspection de la carte marine, et, chose plus étrange que la proposition elle-même, cette idée, a trouvé des défenseurs dans des rangs où le duc d’Harcourt n’avait froissé l’amour-propre de personne.

L’une ni l’autre des deux propositions n’a prévalu, et ceux mêmes qui les avaient émises ont fini par donner leur assentiment à un tracé intermédiaire. L’adoption du plan du duc d’Harcourt aurait doublé l’étendue du mouillage des vaisseaux, et il en serait résulté de si grands avantages pour la navigation, les meilleurs esprits déplorent si souvent l’insuffisance de la rade, qu’il est utile d’examiner si un projet conçu évidemment pour les satisfaire a été sacrifié à de mauvaises raisons.

Si, au lieu d’être établie sur l’alignement de la pointe de Querqueville à l’Ile-Pelée, et d’être protégée par ces deux terres, la digue de Cherbourg était portée à 650 mètres au large avec ses 3,600 mètres de longueur, l’espace sur lequel elle produit le calme ne serait par les vents du nord que déplacé; mais dans les fréquentes prédominances des vents d’est, et surtout d’ouest, il serait sensiblement rétréci. Pour doubler le mouillage et ne pas laisser à la grosse mer plus d’entrée dans la rade qu’il ne convient, il faudrait que les passes n’eussent pas plus de 1,000 mètres d’ouverture et la digue pas moins de 5,847 mètres de longueur : c’est celle que proposait M. de La Bretonnière. La digue est fondée à 13 mètres de profondeur moyenne[1] : elle le serait à 17, et le volume des matériaux ensevelis se serait accru, toutes circonstances égales d’ailleurs, dans le rapport de 6 à 17; mais les talus, assaillis par des courans de marée et des coups de mer beaucoup plus violens, auraient dû, pour

  1. ¬¬¬
    Toutes les profondeurs d’eau mentionnées dans cette étude sont comptées à partir des plus basses mers d’équinoxe. Ce niveau étant le zéro du maréographe, les basses mers ordinaires de vive-eau le couvrent à Cherbourg d’une couche d’eau de 0m,70
    Les basses mers de morte-eau ou des quadratures, de 2 45
    Les hautes mers de morte-eau, de 4 80
    Les hautes mers ordinaires de vive-eau ou des syzygies, de 6 30
    Les plus hautes mers d’équinoxe, de 7 15

    C’est entre ces limites, et abstraction faite des perturbations que peuvent causer les vents, que s’élèvent et s’abaissent les marées.