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vinces Les journaux enregistraient les circonstances publiques de ces voyages; mais le travail intérieur n’en a, que je sache, été nulle part exposé. Deux fois en une année, au printemps en Normandie, en automne en Hollande, il m’a été donné de prendre une part obscure à ce travail, et ce bonheur de ma jeunesse me place aujourd’hui dans le nombre imperceptible des hommes vivans qui ont vu de près le jeu des ressorts d’un gouvernement si fortement établi, que l’exagération de son principe était la seule chose qui pût amener sa chute. Dès qu’un voyage à l’intérieur était résolu, les ministres qui devaient accompagner l’empereur préparaient les projets spéciaux sur lesquels il aimait à prononcer sous l’inspiration des lieux. Les questions relatives à la défense du territoire, à la navigation, à l’agriculture, au commerce, aux communications, aux établissemens publics des départemens qu’il allait visiter, étaient étudiées, et des mémoires spéciaux lui étaient remis sur les objets du voyage. Des branches de l’administration, depuis divisées, appartenaient alors au ministère de l’intérieur, et le chef de ce département était de tous les voyages. La présence des autres ministres dépendait de la nature des affaires qui devaient se traiter : celui de la marine par exemple venait à Cherbourg, armé de tous les documens qui se rapportaient à l’établissement maritime. Le service du transport comprenait trois convois de voitures. Le premier partait vingt-quatre heures d’avance, et portait à la première station que devait faire le souverain les personnes et les choses nécessaires à son installation. L’empereur se mettait en route par le second. Le troisième, en tout semblable au premier, suivait à douze heures de distance, franchissait la première station et s’arrêtait à la seconde. Jusqu’à la fin du voyage, le premier et le troisième convois se devançaient alternativement : rien ne manquait en avant, rien ne restait en arrière. Des chevaux de main de ses écuries attendaient l’empereur partout où il devait s’arrêter, et il en faisait bon usage : ports, canaux, fortifications, établissemens publics faits et surtout à faire, il voulait tout voir, tout examiner lui-même. Le peuple des villes qu’il a visitées s’est longtemps entretenu dans ses veillées des courses rapides dans lesquelles, détestable cavalier lui-même, il imposait par sa hardiesse aux plus intrépides écuyers. Il partait donc muni des documens les plus sûrs, entouré des hommes les mieux pénétrés de ses vues, mais cherchant partout ceux qui faisaient profession d’être aux prises avec les difficultés qu’il voulait résoudre.

Dans chaque département, le collège électoral, nommé par des assemblées primaires, qui faisaient ce qu’elles étaient bonnes à faire, lui était présenté. Quelquefois il commençait par recevoir