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Aucune hésitation n’était possible dans le choix de l’emplacement; la nature elle-même l’avait fixé : le rivage de la rade ne pouvait être accosté par les grands vaisseaux que dans l’anse du Galet, à 1,500 mètres au nord-ouest de l’entrée du port de commerce, et Vauban, dans sa prévoyance, y avait acheté pour l’exécution de ses projets des terrains qu’on a nommés le Pré-du-Roi jusqu’au moment où ils ont disparu dans les excavations ou sous les remblais du nouvel établissement. Cet emplacement fait sur la rade une saillie en angle droit dont le fort du Houmet occupe le sommet. Le côté septentrional a 1,300 mètres, le côté oriental 1,500, et les deux extrémités sont réunies par une courbe, qui donne à la surface de l’arsenal la figure d’un quart d’ovale.

Sous tout cet espace, le roc vif affleure au jour, et la tranche inégale s’en montre le long du rivage. Creuser le roc à la mine est une opération toujours pénible pour l’ouvrier, rarement difficile pour l’ingénieur: il n’en est pas de plus régulièrement prosaïque; cependant elle est sortie, dans les travaux de l’arrière-bassin, de sa monotonie habituelle. Elle s’exécutait en régie en 1851. L’assemblée législative, frappée de la disproportion entre les dépenses et les résultats, convaincue à tort ou à raison que cette partie des travaux de Cherbourg était une espèce d’atelier national, mit une condition au vote des crédits qui lui étaient demandés pour la continuation des travaux : c’est que l’emploi en serait fait par un entrepreneur. L’adjudication fut donnée à un rabais qui en fit passer le titulaire pour ruiné d’avance. M. Dussaux déjoua ces prévisions par l’application hardie de procédés qu’on n’avait encore appliqués que dans des circonstances fort différentes. Au lieu d’arracher comme à l’ordinaire le rocher parcelle par parcelle, il ouvrit des galeries au niveau du fond qu’il s’agissait d’atteindre, les termina par des fourneaux de plusieurs milliers de poudre, et quand l’explosion souterraine se fit, une masse de plusieurs hectares d’étendue se souleva comme dans un tremblement de terre vertical, puis se disloqua en retombant : il ne restait plus à faire qu’un grand déblai. La difficulté des travaux de l’arsenal, dont la solution fait au corps des ponts et chaussées un honneur impérissable, est l’établissement de la communication entre la mer et les bassins. Il fallait interdire par la construction de batardeaux gigantesques le contact du rivage à la mer, et creuser dans le roc, en arrière de ce rempart, une passe de 64 mètres de largeur et un avant-port descendant à 9m 25 au-dessous du niveau des plus basses mers. L’avant-port était inauguré le 27 août 1813 par l’impératrice Marie-Louise. Le bassin à flot, auquel il donne entrée, le fut sous un autre drapeau le 25 août 1829, et l'arrière-bassin, ouvert parallèlement aux premiers et communiquant avec chacun des deux, s’est rempli le 8 août 1858, sur un