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M. Magne en indique déjà plusieurs applications dans les mesures qu’il annonce. Il semble que le gouvernement songe d’abord à réparer la concurrence que les nécessités du trésor l’ont obligé de faire dans ces dernières années au crédit particulier sur le marché des capitaux. C’est à cette tendance que se rattache la pensée d’abaisser le maximum des dépôts des caisses d’épargne, qui refoulera une certaine quantité de capitaux vers les placemens en fonds publics ou en valeurs mobilières ; c’est dans ce courant que le trésor a réduit sa dette flottante, en abaissant successivement l’intérêt des bons du trésor, et en devançant les réductions du taux de l’escompte opérées par la Banque. C’est ainsi déjà que l’action de l’amortissement a été réveillée, et que 40 millions en 1859, 60 en 1860, seront affectés aux rachats de rentes par l’état. Nous aurons d’autres occasions d’apprécier ces diverses mesures ; mais nous ne quitterons pas le rapport de M. le ministre des finances sans témoigner un regret : c’est qu’il n’ait pas dit un mot sur l’abolition prochaine des impôts que les nécessités de la guerre ont contraint le gouvernement à créer, ou que les difficultés du trésor l’ont obligé à maintenir à titre provisoire. Depuis 1854, 72 millions de rentes ont été inscrites sur le grand livre de la dette. Plusieurs impôts de guerre ont été créés pour subvenir à cette charge nouvelle. Un second décime a été ajouté à l’ancien, une surtaxe de 16 francs a été établie sur les alcools, augmentée des deux décimes ; le droit sur les voyageurs par chemins de fer a été accru, et une taxe a été imposée sur le transport des marchandises à grande vitesse. Des impôts de guerre, un seul a été abrogé encore, — le double décime sur l’enregistrement ; mais cette faveur accordée à la propriété foncière a été compensée par l’impôt sur les valeurs mobilières, que l’industrie et notamment les chemins de fer ont bien le droit de considérer comme un impôt de guerre, d’après son origine. Les produits de ces divers impôts figurent pour 76 millions dans le budget de 1859 : 76 millions, c’est le chiffre même de l’excédant déjà réalisé de 1858. Nous avons compris que l’on maintînt les impôts de guerre tant que les charges du passé n’étaient point liquidées, et lorsqu’il eût été téméraire de se fier uniquement, pour les couvrir, à l’élasticité des revenus publics. Cette prudence était légitime encore dans la construction du budget de 1859 ; est-elle prescrite dans la préparation du budget de 1860 ? Nous ne pouvons le dire. Depuis 1830, il avait été aboli plusieurs impôts ; il n’avait point été créé de taxe nouvelle. Ce n’est que dans ces dernières années qu’il a fallu se résigner à cette fâcheuse nécessité. Cette nécessité n’existe plus, puisque, sans tenir compte des impôts de guerre, le produit des revenus indirects, c’est M. Magne qui nous l’apprend, s’est accru de 220 millions depuis 1853. Espérons donc que l’omission que nous signalons dans le rapport ministériel sera bientôt réparée.

Le prochain budget, auquel M. Magne vient d’attacher une si heureuse préface, ne rétablira donc pas seulement la confiance et la sécurité dans la situation financière ; il pourra donner lieu aux discussions les plus instructives et les plus utiles, si les esprits éclairés veulent bien s’intéresser aux importantes questions qu’il est destiné à soulever. Les facultés de la France en matière de finances sont si belles, et l’on a depuis si longtemps abandonné à la routine l’élaboration de nos budgets, que l’avenir trouvera une mine toute neuve et admirablement féconde dans l’étude et dans le rema-