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changemens arbitraires et violens, le système de la guerre en réalité, et le système des améliorations progressives par les moyens pacifiques. Le premier système a été développé dans un écrit habilement élaboré, qui a paru sous ce titre : l’Empereur Napoléon III et l’Italie. Les discussions parlementaires anglaises et le discours de l’empereur ont heureusement rejeté dans l’ombre cette brochure, dont on avait voulu faire grand bruit, mais qui avait reçu de l’opinion un accueil peu favorable. Cet écrit, remarquable à divers titres, ne doit cependant point être passé sous silence. On pourrait le diviser en trois parties : il contient d’abord un exposé historique et critique de la situation actuelle de l’Italie, ensuite le plan théorique de la réorganisation que l’auteur demande pour la péninsule, et enfin l’indication des moyens à l’aide desquels ce plan devrait être réalisé. Nous n’aurions pas d’observations à présenter sur la première partie de ce travail, si nous n’y avions rencontré une inexcusable erreur historique, qui devient nécessairement, et sans doute contre la pensée de l’auteur, une injustice politique. L’auteur prétend que la diplomatie du roi Louis-Philippe soutenait en 1847 dans les affaires d’Italie la pensée autrichienne ! Nous manquerions à la mémoire du plus illustre de nos prédécesseurs[1] dans ces études d’histoire contemporaine poursuivies persévéramment par la Revue, si nous laissions passer sans protestation une telle allégation. À l’époque si radieuse pour les espérances de l’Italie dont parle la brochure, le représentant de la diplomatie du roi Louis-Philippe à Rome était M. Rossi. M. Rossi soutenant la pensée autrichienne en Italie ! Il semble qu’une pareille distraction, même lorsqu’elle ne veut atteindre que la mémoire d’un roi détrôné et mort, ne devrait pas être permise à un écrivain français qui se donne la mission d’étudier le développement de la politique nationale dans les grandes affaires de l’Europe. Le pontife qui fut l’initiateur du mouvement italien de 1847 était-il sorti du conclave comme pape autrichien ou comme pape français, et n’est-ce pas l’influence française, dirigée par M. Rossi, qui obtint son élection comme un triomphe sur l’influence autrichienne ? N’est-ce pas l’influence française qui semait alors les institutions constitutionnelles dans tous les états de l’Italie ? Quand la révolution de 1848 mit au pouvoir des républicains la correspondance de la diplomatie du roi Louis-Philippe, est-ce par la réprobation ou par l’admiration qu’ils l’accueillirent ? y virent-ils la pensée autrichienne ou la pensée du libéralisme italien ? Quand cette révolution rendit M. Rossi à sa première patrie et permit au pape de faire de lui son premier ministre, croit-on que le ministre du pape ne continuât point au pouvoir la politique de l’ambassadeur français ? N’est-ce pas M. Rossi qui conçut ce plan même de fédération italienne présidée par le pape, que les circonstances semblaient rendre possible alors, et dont tant d’événemens révolutionnaires, et par-dessus tout le lâche assassinat qui vint frapper l’ancien ambassadeur du roi Louis-Philippe, empêchèrent la réalisation pour la rejeter éternellement peut-être dans la région des chimères ?

La retraite de l’Autriche des provinces lombardes, la sécularisation du gouvernement pontifical, et ensuite l’association des divers états de la pé-

  1. M. Rossi, qui a rédigé la Chronique de la Revue pendant plus de quatre ans.