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à Geelong, à Castlemaine, à Sandhurst, dans toutes les localités importantes de l’état. Les principaux sont l’Argus, le Herald, le Democrat. Le premier est honoré du titre de Times colonial, et il justifie ce rapprochement par son originalité comme par l’ardeur de sa polémique. Il faut voir quelle animation, quelle vivacité déploient toutes ces feuilles publiques. Les passions de ces cités nouvelles que tourmente le levain de la jeunesse y trouvent toutes à la fois leur écho ; les manifestations, réclamations, interpellations s’y croisent et s’y heurtent, et les autorités locales n’y sont pas ménagées lorsqu’il s’agit de quelque intérêt pressant, par exemple de la fameuse question chinoise ou de la menace pour la colonie de subir, sous forme de contrôle, la tyrannie, la dictature de l’officier préposé par sa gracieuse majesté à la direction des colonies australiennes. L’article s’annonce alors par quelque interpellation ironique ou provocante : « à nous, Denison ! Ho ! Denison, to the rescue ! » et prend la plus vive allure. Certes sir William Denison a fort affaire s’il entreprend d’écouter toutes les voix et de concilier tous les vœux.

Comme les journaux, les théâtres, les lieux publics, les édifices tels qu’églises, hôpitaux, asiles, prisons, se sont multipliés. Nombre d’omnibus, de cabs, de voitures de toute espèce sillonnent les rues ; les magasins sont éclairés au gaz ; quelques hôtels peuvent rivaliser avec ceux de Paris et, de Vienne. Un chemin de fer relie Melbourne avec la baie de Hobson et avec Geelong ; plusieurs autres sont en voie d’exécution. Le télégraphe électrique communique avec cette même ville, avec les mines, et même avec Adélaïde. L’eau du Jarra-Jarra, rivière sur laquelle Melbourne est bâtie, est infectée par les immondices qu’y déverse la population qui se presse sur ses bords ; des travaux ont été entrepris pour amener de quinze et vingt milles les eaux pures et fraîches de la rivière Plenty. Des parcs et des squares sont ouverts à la foule[1]. On peut aisément imaginer la variété et le mouvement qui animent les rues et le port. Toutes les nationalités et tous les costumes y sont représentés. La colonie ne le cède pas à sa métropole pour la fréquence des meetings et des dîners politiques, dont le Champagne est un indispensable élément. Les réunions particulières sont moins nombreuses, parce que le chiffre des ménages et des familles pouvant tenir maison est limité par le petit nombre des femmes. Par suite aussi de cette rareté, toute jeune fille devient vite un centre d’attraction : une femme, des enfans, un joli cottage, voilà le rêve de plus d’un enrichi. L’Australie est donc pour les jeunes filles une terre promise ; à vrai dire, elle est aussi parfois une terre de déceptions. Combien se sont

  1. Un chiffre donnera une idée de la quantité et de l’activité des travaux et des constructions : de septembre 1850 en août 1857, la corporation de Melbourne a consacré 78,460 livres aux travaux publics.