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de luttes sanglantes. En décembre 1854, les mineurs se réunirent, brûlèrent les licences, se mirent en insurrection ouverte, et proclamèrent la suppression de cet impôt. Le gouverneur marcha contre eux à la tête d’un corps d’armée ; il y eut à Bakery-Hill un engagement, dans lequel un grand nombre d’hommes périrent de part et d’autre, et Ballarat porta longtemps des traces de dévastation et de fureur.

Jamais en Australie les mines n’ont été abandonnées à elles-mêmes ; dès l’origine, le gouvernement colonial y délégua des agens en permanence dont les tentes, reconnaissants à leur toile bleue et aux factionnaires chargés de les garder, s’alignaient au milieu du campement général. Ces tentes sont aujourd’hui remplacées par de jolis cottages divisés en autant de compartimens et de pièces que l’exigent les besoins du service, et où l’on trouve tout ce qui est nécessaire à une vie comfortable. Les agens sont chargés d’inscrire les nouveau-venus, de percevoir les droits, de garder l’or en dépôt, et de régler les contestations. Peu à peu, grâce à ces officiers et plus encore à l’intérêt général, qui réclamait la paix, la situation des mineurs et l’état des mines se sont sensiblement améliorés. Un droit sur l’or a remplacé cette odieuse licence que tous, heureux et malheureux, devaient payer. Les grandes machines et les entreprises par compagnies se sont en partie substituées aux forces et aux ressources individuelles, non sans opposition toutefois, car les travailleurs de tous pays se sont longtemps révoltés et mis en lutte contre les capitalistes et les entrepreneurs qui prétendaient se servir de leurs bras pour s’enrichir à distance. À la longue il a fallu céder. Aujourd’hui le territoire aurifère est vendu ou affermé à des compagnies ou à des particuliers, et l’homme qui arrive aux mines avec ses bras pour seul capital n’a d’autre ressource que de les louer, à moins que, servi par le hasard, il ne trouve à exercer le jumping. C’est un droit ou plutôt une convention admise par les mineurs et consistant en ce que toute terre du centre d’exploitation à laquelle on n’a pas travaillé durant vingt-quatre heures, les grandes fêtes exceptées, tombe dans le domaine public, et peut être saisie par quiconque se présente. Nombre d’hommes aux aguets se tiennent toujours prêts à sauter, comme dit le mot anglais, sur le champ d’autrui ; aussi le jumping, que les autorités n’ont pu faire disparaître, continue-t-il d’être un prétexte de violences et de fréquens désordres.

Aux mines mêmes, des demeures comfortables et parfois élégantes ont été bâties ; des champs ont été mis en culture, et parmi les huttes et les tentes on voit se dresser des hôtels, des fermes et des villas. Tout cela, comme une fourmilière, est animé par une incessante activité. Les hommes manœuvrent les machines, agitent l’eau, frappent le rocher. Les femmes, qui aujourd’hui sont en grand nombre,