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l’aide desquels ils parent avec une dextérité remarquable les traits et les coups. Des danses au bruit de bâtons frappés en cadence, des représentations mimiques dans lesquelles ils excellent à reproduire les mouvemens des animaux parmi lesquels ils vivent, sont leur récréation favorite, et ils ne s’y livrent guère que la nuit. La lueur des grands feux qu’ils allument, les plumes ou le feuillage dont leurs têtes sont ornées, les dessins blancs et rouges qui couvrent leurs corps, la solitude des plaines et des forêts qui forment le fond de la scène, tout cela donne à ces fêtes une apparence étrangement fantastique. L’indolence de leur caractère et de leurs habitudes rend assez rare, paraît-il, l’exercice de ce plaisir ; mais quand ils ont une fois commencé, ils s’y livrent avec fureur. C’est surtout quand deux ou plusieurs tribus se sont amicalement rencontrées que cette émulation se déploie : chaque tribu danse seule tour à tour ; les femmes, assises sur le devant en ligne droite ou circulaire, forment de leurs manteaux de cuir des espèces de tambours qu’elles frappent avec la paume de la main, comme accompagnement, et elles poussent en même temps des sons gutturaux. Les hommes s’agitent en cadence, sans irrégularité, sans confusion ni méprise, s’assoient, s’accroupissent, se traînent, s’élancent tous à la fois, imitant l’allure du kangurou ou de quelque autre animal avec une précision étonnante. Leurs mouvemens sont alternativement lents et précipités ; ils s’élancent les uns vers les autres avec de grands cris, comme dans leurs combats, et s’arrêtent subitement, les massues sur les têtes, les lances à la poitrine. Il y a des danses auxquelles les femmes prennent part : la tête ornée de feuillage, des bâtons dans les mains, elles s’alignent, s’enlacent, tandis que les hommes, se mêlant à elles et se retirant, vont et viennent en cadence. Il y a aussi des danses licencieuses et d’autres auxquelles les plus jeunes femmes seules doivent participer.

Les fêtes ne se prolongent pas longtemps, car ces hommes, qui sont condamnés pour vivre à toujours errer, ne peuvent ni s’agglomérer ni s’attarder sur un même point. Il faut se séparer pour aller, chacun dans sa direction, sur les territoires que les diverses tribus possèdent, demander quelques moyens de subsistance à ce continent vaste et souvent propre à la culture, mais peu riche en productions spontanées. Les ressources de la vie sont, pour ces hommes misérables, la pêche, la chasse, quelques racines, des plantes et des écorces. Les fourmis, les vers, les lézards, les serpens, tout ce qui dans la création révolte nos sens sert à leur nourriture. Sur les côtes, ils se servent de canots grossiers où peuvent tenir six ou huit personnes ; dans les rivières, la pêche est abandonnée aux femmes, et c’est à elles, en Australie comme sur toutes les terres sauvages, que sont dévolus les travaux pénibles. Tandis qu’elles