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hommes semble elle-même chétive et misérable, et c’est seulement aujourd’hui, comme l’Afrique, qu’elle se laisse entrevoir. L’intérieur en est-il un désert, un plateau, le lit desséché d’une ancienne mer, le bassin d’une mer encore existante ? y trouve-t-on des oasis et des moyens de communication ? Quand les voyageurs entreprenaient de résoudre ces problèmes, l’Australie opposait à leur curiosité, comme autant d’infranchissables barrières, à l’est ses Montagnes-Bleues, à l’ouest, au sud et au nord, ses lacs salés, ses plaines de sable, et là, comme en Afrique, plus d’un a péri pour avoir porté la main sur le voile dont s’enveloppait cette sauvage nature. Enfin l’homme l’emporte, il a envahi l’Australie par les quatre points de l’horizon : à l’est, au-delà des Montagnes-Bleues, et au sud-est, il a été récompensé de sa persévérance par la découverte de splendides pâturages. Moins heureux au midi, il s’est trouvé en présence des plages désolées du lac Torrens ; à l’ouest, il a été arrêté par des déserts de sable et par des lacs salés ; mais au nord il vient de découvrir avec une rivière un chemin nouveau. Il paraît définitivement établi que l’intérieur n’est qu’un vaste désert : le vent qui arrive aux colonies méridionales après l’avoir traversé dessèche les feuilles, comme celui du Sahara, et tue les plantes ; la lisière en est formée par des plages sablonneuses, couvertes d’une herbe maigre, et assez semblables, dit l’auteur des Discoveries in Australia, M. Stokes, aux pampas américaines. À mesure qu’on pénètre plus avant, les arbrisseaux épineux deviennent plus rares et plus chétifs, et le voyageur voit se dresser dans le plus lointain horizon des plateaux arides, des monticules sablonneux, des rochers nus. Toutefois on pense que des ramifications de cours d’eau doivent dessiner un chemin du nord au sud par lequel les indigènes auraient traversé l’île et s’y seraient disséminés sans suivre la longue route des côtes, et c’est principalement à la recherche de cette route espérée et des rivières qui doivent la parcourir que des voyageurs, partis les uns du sud et les autres du nord, se sont dévoués.

Le lac Torrens, qui a été découvert seulement en 1842 par M. Eyre, dessine, dans les parties de son lit qui sont connues, une sorte de fer à cheval dont les extrémités se rapprochent très sensiblement de la côte ; sa pointe occidentale n’est même séparée du golfe Spencer que par un isthme extrêmement étroit. Il ne peut pas servir à l’exploration intérieure, parce qu’il n’a aucune profondeur à une très grande distance de ses bords. Rien de plus désolé que ses rivages : après la saison sèche, ils sont sillonnés par des crevasses profondes, et après les pluies ils forment de longs marécages et des fondrières. L’eau, en se retirant par l’évaporation, dépose une couche de sel étincelante. D’ailleurs pas la moindre verdure, le