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Faute d’eau,… mes yeux se troublent, ma langue brûle,… je n’y vois plus… Dieu m’aide !… »

M. Babbage s’est mis à la recherche des deux compagnons de l’infortuné Coulthard. Sous le rapport scientifique, il n’y a guère lieu d’espérer qu’il soit plus heureux que ses prédécesseurs ; mais plus à l’est encore, il y a un autre chemin : c’est celui que la rivière Murray, avec ses affluens le Darling, le Lachlan et le Murrumbidge, ouvre dans l’intérieur. Il ne faut pas croire cependant que ce chemin soit sûr et facile ; l’embouchure du Murray a longtemps été jugée impraticable à cause de la violence du ressac et des bas-fonds sur lesquels la mer brise avec fureur. La rivière elle-même est obstruée par mille obstacles : ce sont des bancs de sable, des barrages séculaires formés de troncs d’arbres entrelacés. Puis, par un phénomène particulier à ce continent bizarre, telle est l’absorption du sol ou la force de l’évaporation que les rivières affluentes n’augmentent pas le volume d’eau du fleuve, souvent moins considérable au-dessous qu’au-dessus de sa jonction avec elles. Le Murray a été remonté pour la première fois en novembre 1853, après la fonte des neiges sur les Alpes australiennes, par un steamer placé sous les ordres du capitaine Th. Cadell. Ce n’est pas dans la mer même que ce fleuve débouche, mais dans un lac appelé Alexandrina, large nappe d’eau dont l’entrée est difficile et dangereuse, et qui ne peut en aucune saison porter des bâtimens tirant plus de cinq pieds. À son entrée dans le lac, et dans le voisinage de la bourgade de Wellington, qui est bâtie sur ses bords, le fleuve n’a pas moins de deux cents yards de large et de dix fathoms de profondeur[1]. Il ne tarde pas à se diviser et à remonter dans l’est et le nord-est en plusieurs ramifications parmi lesquelles ce n’est pas le Murray, mais celle qui porte le nom de Wakul qui paraît la plus considérable. Le volume d’eau est très inégal, et ni l’accession du Darling, ni celle du Murrumbidge ne semblent l’augmenter. Au-dessus de leur confluent, le Murray et le Wakul se contournent, deviennent tortueux et embarrassés. Les crues de ces rivières sont subites et très inégales. Sur les bords s’étendent des pâturages et des terres propres à l’agriculture ; des arbres assez grêles, d’essences diverses, poussent le long des rives et dans les îles. Sans produire encore de très amples résultats, cette exploration a servi à indiquer que les investigations devaient se diriger de ce côté de l’Australie plutôt que vers les régions désolées découvertes par MM. Eyre et Sturt au nord du lac Torrens. Les voyageurs, qui procèdent du nord à l’est, se proposent de reconnaître le cours supérieur de ces rivières et de découvrir les régions qu’elles doivent fertiliser.

  1. Le yard vaut 915 millimètres, et le fathom le double.