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Les golfes de Carpentarie et de Cambridge versent dans la mer qui sépare l’Australie de la Nouvelle-Guinée un nombre assez considérable de rivières. La plupart, malgré les apparences favorables que présentent parfois leurs embouchures, ont peu d’étendue, et ce n’était pas une petite difficulté que de discerner, au milieu de l’irrégularité des faits géographiques et physiques qui se produisent dans ce continent, ceux des cours d’eau au moyen desquels il sera possible de pénétrer dans l’intérieur. Enfin, dans une exploration qui dura de 1837 à 1843, M. J.-L. Stokes eut le bonheur de reconnaître qu’une rivière qui débouche dans le golfe de Cambridge, et à laquelle il donna un nom dont le patriotisme anglais devrait un peu moins abuser dans l’intérêt de la clarté géographique, celui de Victoria, est susceptible d’être remontée par un steamer, et peut, sur un espace assez étendu, servir de guide pour une exploration intérieure. Peu après, de 1845 à 1846, un homme dont le nom se rattache aussi tristement à l’histoire des découvertes australiennes que celui de Franklin au pôle arctique, Leichardt, dans un parcours d’environ deux cents lieues, reconnaissait par terre les côtes de l’Australie, de Port-Essington au nord à la baie Moreton à l’est. En 1848, le même voyageur se lança de nouveau à la découverte, et plus ambitieux cette fois, il résolut de traverser le continent dans toute sa largeur. Dix années se sont écoulées depuis son départ sans qu’aucun renseignement ait éclairci les mystères de sa destinée, soit qu’il ait péri sous les coups d’un sauvage, ou que la soif et la faim l’aient lentement tué dans les déserts de sables.

Autant pour reconnaître la rivière Victoria que pour tâcher d’obtenir quelques nouvelles de cet infortuné voyageur, M. Gregory, déjà connu par deux voyages accomplis dans l’intérieur en 1846 et 1852, reçut la mission de remonter la rivière aussi loin que possible et de chercher un chemin qui conduisît du point le plus méridional du golfe de Carpentarie à la baie de Moreton, d’où Leichardt était parti en 1848. L’expédition placée sous la direction de cet explorateur se composait de vingt et une personnes, parmi lesquelles figuraient des géologues, des botanistes et des dessinateurs ; elle emmenait cinquante chevaux, deux cents moutons, des chariots, des munitions et des vivres en abondance ; en outre, une goélette et un schooner devaient seconder ses mouvemens, la ravitailler, et, s’il était possible, remonter le Victoria. Cette expédition, divisée en deux corps, partit le 25 septembre 1855 du cap qui dessine à son extrémité septentrionale l’embouchure de la rivière. L’extrême chaleur, les fatigues de la marche et souvent le défaut de pâturages firent tout d’abord périr un grand nombre d’animaux ; quelques-uns furent aussi la proie des alligators qui pullulent dans les moindres cours d’eau de cette côte. Des avaries subies par le schooner au milieu