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Coleridge et à Cobbett contre les libéraux éclairés, les rédacteurs des revues, les économistes, et en particulier lord Brougham, qui était alors, dans les lettres, le barreau et la chambre des communes, la plus éclatante et la plus active personnification de l’esprit de la Revue d’Edimbourg. À part une lettre sur les romans, qui est assez remarquable, et quelques pensées détachées de Coleridge, cet ouvrage n’aurait aucune valeur, s’il ne montrait une fois de plus combien un certain radicalisme aveugle et violent peut facilement se raccommoder avec l’intolérance contre-révolutionnaire pour faire la guerre à la modération dans la philosophie et dans la liberté.

Mais il faut laisser ces extrêmes, qui n’ont nulle importance pour la science et pour la vérité, et revenir à l’influence légitime de Coleridge. Si le mouvement intellectuel qui circule aujourd’hui dans l’église d’Angleterre ne procède pas de lui, au moins il date de lui. Il n’est plus guère possible, sans le citer, d’écrire sur la théologie d’une manière sérieuse et assortie à l’état des esprits, et l’on retrouve de ses pensées soit chez ceux qui défendent l’établissement ecclésiastique, soit chez ceux qui l’attaquent. Parmi les premiers, je parle des défenseurs éclairés et indépendans, nous avons indiqué l’éminente place du docteur Arnold[1], et il nous plairait de ranger autour de lui l’archevêque de Dublin, l’archidiacre Haie, M. Stanley, M. Jowett, et d’aller même plus loin, jusqu’à MM. Maurice et Kingsley ; mais il faut auparavant suivre encore l’unitarianisme, sujet primitif de ces études, dans quelques-unes de ses plus remarquables manifestations. Il faut voir comment il s’est lui-même ressenti du nouvel esprit introduit dans la théologie et la controverse ; puis, après avoir fait un peu connaître quelques-unes de ces ramifications de l’arianisme et quelques œuvres d’une hétérodoxie à peine chrétienne, nous tâcherons de revenir à l’orthodoxie indépendante, à cette nouvelle école de foi et de science qui s’est élevée du sein de la broad church, comme pour sauver ensemble l’église anglicane et la liberté religieuse.


II

Deux frères destinés à l’église ont fait leurs études à Oxford dans le premier quart de ce siècle. L’un, M. John Henri Newman, y a pris part de bonne heure à ce mouvement de réaction ecclésiastique qui a produit le puseyisme et la secte anglo-catholique. Distingué par des talens précoces, il a soutenu comme un dogme la nécessité d’un épiscopat qui se rattache aux apôtres par une chaîne continue,

  1. Voyez la Revue du 1er octobre 1856.