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dans son propre sein ? comment enseigner avec autorité des dogmes qui commençaient à flotter pour lui dans un nuage ? Ces mots de l’Évangile de saint Jean : « La vie éternelle consiste à te connaître, toi le seul Dieu véritable, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ ; » ce verset de saint Paul dans la première aux Corinthiens : « Pour nous, il n’y a qu’un seul Dieu, le Père,… et un seul Seigneur, Jésus-Christ, » avaient à peu près fixé son esprit dans le semi-arianisme qui voit dans le Fils, non Dieu même, mais le délégué de Dieu pour la création de toutes choses. Il continuait d’embrasser avec ferveur tout ce qu’enseigne la foi touchant les œuvres du Messie, les effets de son ministère, les conditions de la rédemption, et il ne se serait pas approché d’un unitairien sans un certain effroi ; mais une barrière le séparait définitivement des orthodoxes. Il eut sans doute, il le dit et nous le croyons volontiers, des épreuves pénibles à traverser. On fut injuste envers lui, cela est probable ; on l’est presque toujours pour les opinions qu’on n’a pas. Peut-être aussi manquait-il de quelques qualités qui font pardonner la dissidence. Le plus sûr, c’est qu’on lui fit vivement haïr l’intolérance. Il lui fut impossible de ne pas reconnaître plus d’équité et de bienveillance chez des chrétiens au moins latitudinaires que chez les calvinistes purs, et il apprit à estimer malgré lui des vertus morales que ses principes religieux l’obligeaient encore à tenir indistinctement pour des pochés comme tous les mouvemens naturels du cœur humain. Ce fut un nouveau trouble dans son esprit. Un jour, chez un libraire, il ouvrit timidement un traité unitairien ; il se garda bien de le lire : un coup d’œil furtif avait suffi pour lui faire entrevoir quelques objections contre l’éternité des peines. Il aperçut là certaines difficultés de texte dont il demanda l’éclaircissement à un ami. Une rupture s’ensuivit, et il perdit son ami sans perdre ses doutes. Jusque-là, malgré quelques points obscurs qui l’embarrassaient, il n’avait pas fléchi dans ses idées sur la rédemption. Le péché originel, la justification impossible à l’homme, la nécessité d’une renaissance en Jésus-Christ, tous ces dogmes, interprétés dans le sens augustinien, lui paraissaient constituer essentiellement la vie spirituelle, qu’il mettait et qu’il met encore au-dessus de tout le reste, quoique aujourd’hui il la conçoive autrement. Cependant l’orthodoxie, en le blessant, l’avait rejeté vers de certaines idées qui lui faisaient craindre d’être devenu pélagien. C’est vers ce temps qu’il fit connaissance avec un unitairien qui, tout en croyant à la pure humanité du Messie, croyait, aussi fermement qu’un disciple d’Athanase, à la perfection du Sauveur et au salut par Jésus-Christ. Cette alliance d’idées lui parut inconcevable. Ainsi que beaucoup d’autres protestans, sa religion était toute paulinienne. Les effets intérieurs de la