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active sortit bientôt de la stupeur passagère causée par la monstruosité de cette restauration, et entra dans une agitation et un mouvement sourds qui devaient aboutir à l’échauffourée militaire de 1821.

L’armée seule ouvrait une carrière à la jeunesse intelligente : César Balbo y demanda du service, et obtint le grade de lieutenant d’état-major. L’administration turinoise, rétablie d’après l’almanach de 1798, destituait les employés qui écrivaient les r à la française, et qui disaient pétition au lieu de supplique. Les perspectives offertes par un tel état de choses souriaient peu à l’ex-auditeur au conseil d’état de Napoléon. En 1817 pourtant, ennuyé de l’oisiveté des garnisons, il suivit, en qualité d’attaché d’ambassade, son père, envoyé du roi à Madrid. Là, pendant un séjour de deux ans, il acheva ses études politiques, et lorsqu’il rentra dans l’armée, il s’était convaincu de l’excellence du gouvernement représentatif. Ainsi, après bien des voyages, après bien des infidélités faites aux chartes pour l’épée et à l’épée pour les chartes, devaient se rencontrer deux existences pour lesquelles la liberté fut toujours un désir et la guerre surtout un besoin. Lorsque César Balbo et Charles-Albert se virent à Gênes, quelle fut la base de leur entente, qui allait affronter, secrète ou avouée, vingt-huit ans de mésaventures ? On en trouve le sens dans une profession de foi envoyée en 1820 par Balbo à ses amis, qui se comptaient en attendant l’occasion d’agir, et qui lui avaient demandé un exposé de principes :


« 1. Il faut désirer une organisation constitutionnelle introduite peu à peu par le gouvernement ; elle calmerait les esprits inquiets, contenterait ceux qui veulent des lois stables, concilierait les Génois avec les Piémontais, attirerait tous les Italiens autour des princes de Savoie, et accroîtrait l’influence de ceux-ci à l’étranger de toute l’augmentation en chiffres, ou au moins en sûreté, que pourraient par là obtenir nos finances et nos forces militaires.

« 2. Nécessité d’un corps législatif dont la stabilité et l’indépendance soient assurées, et qui soit composé de deux chambres, une haute et une basse.

« 3. Il est utile que ces idées se répandent par la parole et par des écrits, et qu’elles soient manifestées par quiconque les possède.

« 4. Cette manifestation doit suffire à persuader en peu de temps la majorité éclairée, et à produire peu à peu l’ordre de choses souhaité.

« 5. Les réformes peuvent tarder à s’effectuer, mais elles sont inévitables. Un peu plus tôt ou un peu plus tard, les hommes qui ont maintenant moins de quarante ans arriveront aux affaires. Or il n’est presque personne parmi ceux-là qui ne désire un changement, et ceux qui ne désirent rien, étant les moins doués d’intelligence et de courage, ne nuiront à rien.

« 6. Ce changement serait aussi opportun, si le gouvernement en prenait l’initiative, qu’il serait à redouter et à éviter s’il était tenté par le peuple, et cela surtout à cause de l’éventualité d’une occupation autrichienne.