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« 7. Une révolution militaire joindrait à tous les inconvéniens d’une insurrection populaire celui d’être contraire à l’honneur et au devoir. Ce serait la chose du monde la plus nuisible à la liberté, la plus périlleuse pour le peuple, le prince, l’armée et l’indépendance nationale. »

Nous assistons ici à la première manifestation du libéralisme piémontais. Dès l’origine, et en dépit de sa complète inexpérience, on distingue déjà en lui des élémens d’ordre qui ne peuvent suffire à le faire triompher sur-le-champ, mais qui permettent de lui présager un avenir prospère. Ce qui sauva le Piémont, au sortir de la révolution et de l’empire, d’une confusion et d’une instabilité funestes, ce fut la solidité de son esprit pratique. La maturité acquise pendant un long contact avec la France ne le fit pas divorcer d’avec ses princes, protecteurs constans des frontières contre l’envahissement autrichien. Il obéit obstinément, malgré les mirages d’une liberté qui n’existait plus qu’en espérance, au sentiment de sa propre conservation, car ceux-ci même qui ne croyaient pas que la royauté fût chose juste, et qu’on dût la subir si elle ne payait au peuple une rançon en émancipations partielles, sentaient néanmoins combien elle était nécessaire à ces populations exposées par leur situation territoriale à tant de périls. On a dit souvent que le fond du libéralisme piémontais est la haine de l’Autriche, et que ce pays doit sa tranquillité dans le régime constitutionnel à la présence des armées étrangères sur le Tessin : c’est à peu près aussi exact que si l’on disait que l’homme doit rendre grâce de son génie industrieux aux difficultés que lui oppose la nature. Si pourtant l’on veut chercher dans le caractère national l’effet, le contre-coup de cette proximité inquiétante, on trouvera que ce n’est pas de son amour pour la liberté, mais plutôt de son affection persistante pour ses souverains, que le Piémont est redevable à la perpétuelle menace du cabinet de Vienne. C’est précisément pour ne pas mettre en jeu son indépendance qu’il a été si patient à attendre le jour des affranchissemens, et pour la garder toujours, il sacrifierait jusqu’à ses statuts actuels, si une pareille nécessité venait jamais à se présenter. Même après le spectacle démoralisateur des chutes de Napoléon et de Charles X, il ne lui vint pas à l’esprit que la transformation de la prérogative souveraine en fonction sociale, véritable ennoblissement de la royauté, pût s’opérer chez lui par la violation de l’ordre établi pour la succession au trône. Gardien soigneux de toutes les barrières opposées à l’invasion, il respecta les caducités régnantes, au lieu d’imiter, comme on le faisait ailleurs, les sauvages qui tuent les vieillards malades et inutiles.

L’insurrection de 1821 fut moins un soulèvement qu’une acclamation au roi. On le suppliait de déclarer la guerre à l’Autriche, objet de toutes les haines et cause de toutes les souffrances. Les demandes