Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 19.djvu/194

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la liberté de conscience, le libre examen, le protestantisme, puis le déisme, — quoi encore ? — le socialisme ! Hors de l’Autriche, pas de consolation efficace pour le pape ; ses invocations aux autres puissances ne sont plus qu’une longue et stérile lamentation : l’on connaît le style inimitable des chancelleries romaines. La trêve conclue sur le terrain neutre du gallicanisme commence à peser au saint-siège ; des concordats autrichiens lui ont persuadé que le concordat de 1801 est une dérogation à ses droits, et, non content de refuser au Piémont des concessions pareilles à celles que le premier consul savait obtenir, il ne déguise même plus la peine qu’il ressent de les voir maintenues en France. À mesure que ces deux pays progressent, la cour de Rome se réfugie de plus en plus dans le passé, et, pour tout dire, cette résistance trop souvent, revêt des formes effacées, cauteleuses, fuyantes, propres à un corps auquel le sentiment commun interdit, à cause de son caractère sacré, les principales fonctions viriles.

Toute cette fâcheuse ligne de conduite est-elle donc imposée, infligée, prescrite au pape par l’Autriche, et la quitterait-il si cette tyrannie regrettable venait à être secouée ? — Oui, répondait Balbo, à qui le pontificat de Pie IX devait donner raison pour quelques instans. De cette croyance naquit son principe : « Avant toute chose, avant la liberté, l’indépendance ! Porro umum est nécessarium. »

Comprend-on maintenant la répulsion que César Balbo témoigne contre les sociétés secrètes, par lesquelles l’Autriche, puissance bien plus redoutable que les factions démocratiques, a pied dans la place et voix dans le conseil ? Comprend-on ses protestations en 1853, au nom de la dignité humaine, contre les ouvriers de ténèbres qui ont besoin de masques et de souterrains, même sous un régime de liberté ? Ce qu’il maudit, c’est le secret, le silence, le mystère, l’affiliation clandestine — par conjuration ou par congrégation, — le segrelume enfin, mot haï qui revient souvent sous cette noble plume courroucée. Aussi quelle joie fervente le transporte lorsqu’en 1848 son roi aimé, l’objet de son espérance longtemps déçue, se découvre le front et se montre devant Dieu et devant les hommes dans les sentimens ouverts de sa jeune conscience d’autrefois. « E causa persa, s’écfie-t-il alors, quella del segreto governativo, oramai. E tanto meglio, anche pe’ governi, che sia persa[1] ! Et quel profond regret dans les paroles suivantes, écrites peu de jours avant sa mort, prière suprême d’un catholique fidèle au chef de sa religion :

« Les sociétés secrètes naquirent et s’accrurent sous l’absolutisme ; elles mourront sinon aux premières tempêtes qui nous attendent, du moins et à

  1. « C’est une cause perdue désormais que celle du secret gouvernemental. Et tant mieux, même pour les gouvernemens, qu’elle soit perdue.