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point la faveur publique l’accompagnait dans ses vifs et ingénieux travaux, quel cortège d’amis inconnus lui avaient gagné son talent et son âme, on l’a vu à l’émotion produite par la triste nouvelle qui annonçait qu’en pleine jeunesse il était mort de la mort des penseurs et des écrivains, frappé au cerveau.

E. FORCADE.



L’Italie vient d’avoir un mois d’émotions. N’a-t-il pas même semblé un instant que la politique de l’Europe était suspendue à un fil égaré au-delà des Alpes, et toujours près de se rompre ? Le calme est revenu peu à peu heureusement, l’effervescence des imaginations s’est apaisée, et nous voici replacés en présence des faits qui ont provoqué ces polémiques récentes, qui les ont précédées, et qui leur survivent. Ces faits tiennent à la situation générale de l’Italie. On peut faire la part des chimères et des exagérations ; la vérité est que tout n’était point artificiel dans cette agitation, qui est venue brusquement réveiller ce qu’on nomme la question italienne et rouvrir toute sorte de perspectives de guerre dans un pays où tout est possible en certains momens, parce que tout est probable ;

Il n’est point douteux que l’Autriche a singulièrement contribué pour sa part à exciter cette incandescence par des actes au moins malheureux, en atteignant les Lombards dans leurs intérêts par la réforme des monnaies, en les blessant dans toutes les conditions de leur existence par les mesures relatives à la conscription, ces dernières mesures notamment étaient bien dures pour un pays qui voit périodiquement la fleur de sa population exilée sous l’uniforme du soldat jusqu’aux plus extrêmes confins de l’empire, en Bohême ou en Transylvanie. Et à quel moment le système impérial redoublait-il de rigueurs ? Justement au lendemain des promesses presque libérales qui avaient signalé l’avènement de l’archiduc Maximilien au gouvernement de la Lombardo-Vénétie. Il en est résulté cette fermentation qui a occupé l’Europe. Plus que jamais, cette vieille antipathie entre les impériaux et les Italiens a éclaté sous toutes les formes. Partout où paraissait un officier autrichien à Milan, les habitans se retiraient. Cette population impressionnable et vive semblait se replier en elle-même. Dans les théâtres, les manifestations les plus significatives se faisaient jour sous les yeux de la police. On a vu recommencer cette conspiration des cigares qui inaugura les mouvemens de 1848. On s’abstenait de fumer et on empêchait de fumer, pour priver le trésor impérial d’une de ses ressources. L’archiduc Maximilien lui-même, dont personne ne contestait les loyales intentions, s’est vu isolé et impuissant au milieu d’un pays aigri et profondément hostile. Dans cette recrudescence de désaffection et d’agitation il y aurait peut-être à noter un fait d’une gravité particulière. Jusqu’ici le mécontentement restait à peu près circonscrit dans les rangs de l’aristocratie et des classes lettrées, plus accessibles à toutes ces idées et à tous ces sentimens d’indépendance qui vivent toujours en Italie ; les dernières mesures de l’Autriche étaient de nature à atteindre les classes laborieuses, les populations des campagnes, qui, elles aussi, ont pu sentir le joug étranger dans ce qu’il a de plus dur, et se sont associées jusqu’à un certain point aux récentes manifestations d’hostilité. Les Lombards ont fait ce qu’ils ont pu pour montrer une fois de plus à l’Autriche qu’elle était dans un pays conquis et non soumis, et comme tout