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dans le Languedoc, le 13 juin 1753. Aimant la musique avec passion, et contrarié dans ses goûts par la volonté de son père, qui voulait en faire un procureur, le jeune Dalayrac fut obligé d’aller étudier le violon par-dessus les toits. Là, en face de Dieu et de la nature, comme on disait du temps de la Nina, folle par amour, Dalayrac fit la connaissance d’une jeune pensionnaire d’un couvent voisin qui l’écoutait avec ravissement. Il en résulta un échange de petits cadeaux et de sermens de fidélité et de constance qui forme le nœud de la pièce. Dalayrac vient à Paris, entre dans les gardes de M. le comte d’Artois, et retrouve la jolie pensionnaire, ses premières amours, dans Hélène de Villepreux, qui doit épouser bientôt le vicomte d’Anglars, un ami de Dalayrac et un admirateur de sa musique. Je fais grâce au lecteur de tous les incidens, de toutes les péripéties et les invraisemblances qu’on a groupés autour de la donnée principale, qui n’existerait pas sans la verve et l’intelligence de M. Couderc, l’un des meilleurs comédiens qu’il y ait à Paris.

La musique de cet imbroglio est de M. Clapisson, qui a été rarement plus mal inspiré, lui qui compte dans ses états de service tant d’échecs et de batailles perdues ! Que dire de l’ouverture et de l’introduction, qui reproduit les petits effets de l’introduction de la Fanchonnette, moins l’entrain et la fraîcheur ? Les couplets de Trial ont été faits dix fois par tous les chansonniers de France, et il n’y a dans tout le premier acte que l’hymne des ténèbres, qui se chante dans l’abbaye de Longchamps par la bouche d’Hélène de Villepreux, avec l’accompagnement du chœur, qui est d’un bon et très heureux effet. Dans l’acte suivant, je pourrais signaler le duo de la leçon de chant que donne Trial, l’acteur de la Comédie-Italienne, à Mlle de Villepreux, s’il n’était pas d’une facture si connue, et puis le duo entre Dalayrac et le vicomte d’Anglars, qui n’est pas nouveau non plus, mais qui convient à la situation, et dont M. Couderc fait ressortir le sens drolatique placé sous ces mots :

Tant pis pour lui !

Si M. Clapisson n’avait pas été si à court d’idées musicales, aurait-il manqué, comme il l’a fait, la scène très bien ménagée du rendez-vous des trois Nicolas ? Ici le compositeur n’a aucune excuse pour ne pas avoir écrit un de ces morceaux d’ensemble qui révèlent la main exercée d’un maître. Au troisième acte, il n’y a d’intéressant que la romance d’Azémia : Aussitôt que je l’aperçois,… musique de Dalayrac, qui aurait bien dû écrire toute la partition. Eh bien ! je ne serais pas étonné cependant que l’ouvrage médiocre dont je viens de parler n’eût un certain nombre de représentations fructueuses, grâce à de certains détails de mise en scène, à de grosses balourdises qui font rire, quoi, qu’on en ait, à l’entrain de M. Couderc, et surtout à l’intérêt qui s’attache au nouveau ténor, M. Montaubry, qui s’est produit dans le rôle de Dalayrac.

Il a longtemps parcouru le monde, M. Montaubry ; après avoir traversé le Conservatoire de Paris, il s’en est allé en province, à Bordeaux, Marseille, Strasbourg, où il est resté deux ans. M. Montaubry faisait les beaux jours de Bruxelles, lorsque l’administration actuelle de L’Opéra-Comique a eu la bonne pensée de se l’attacher par un traité et 40,000 francs par an, assure-t-on. L’argent, quoi qu’on dise, importe peu dans une pareille affaire. Beaucoup