Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 19.djvu/267

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la ligne des opérations militaires, et bonne à servir de refuge dans un cas désespéré, elle est trop éloignée pour devenir une ressource d’attaque ou de défense. Il en est autrement de la rivière de Pontrieux et de l’atterrage de Bréhat, qui, situés sur la pointe la plus septentrionale de la Bretagne, font face à Plymouth[1] ; mais depuis que Vauban a signalé les avantages stratégiques de cette position, elle n’a frappé l’attention d’aucune personne assez accréditée pour en déterminer le perfectionnement.

Sans rechercher tout ce qui manque à notre établissement militaire sur la Manche, il importe de reconnaître du moins quelles annexes lui pourrait offrir son voisinage immédiat. Le port militaire de Cherbourg est, comme sa digue, jeté au sein de la lutte des flots et des vents : la digue ne s’est consolidée que par l’allongement de ses talus ; la place maritime a besoin d’épaulemens qui la fortifient, d’accessoires qui la complètent. Ce serait d’ailleurs se faire une bien étroite idée des élémens de la puissance navale que de les supposer faits pour être rassemblés dans l’enceinte d’une ville. Les populations maritimes se forment et se développent ailleurs : les matelots, sans lesquels les bassins sont des déserts et les vaisseaux des masses inertes, se multiplient par la pêche, par la navigation marchande, par la culture des champs, qui remplit une partie de leur temps et fournit à la marine ses plus indispensables approvisionnemens. Nous sortirons donc aujourd’hui de la rade et du port militaire, et sans revenir à des parages déjà décrits, nous découvrirons, sur le front septentrional et dans l’intérieur de la presqu’île du Cotentin, des ressources à la valeur desquelles la proximité ajoute beaucoup ; puis nous rentrerons dans la ville et dans le port de commerce, essayant d’apprécier quelle réaction opérerait sur l’une et sur l’autre l’amélioration de la contrée adjacente, et quels secours y trouverait la marine militaire.

Le navigateur qui sort de la rade de Cherbourg par la passe de l’est laisse au sud-est une échancrure dont l’Ile-Pelée et le Cap-Lévy marquent les extrémités : c’est l’anse de Bretteville. L’ouverture entre les deux pointes qui ferment cette anse est de 8 kilomètres, et la flèche de l’arc que décrit la côte en a 3. Le Cap-Lévy se prolonge vers le nord par un banc sous-marin formé de grosses roches dont la plus méridionale, celle de Biéroc, élève seule, à deux encâblures

  1. Voyez, dans la Revue des Deux Mondes du 15 septembre 1852, la Baie de Saint-Brieuc.