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a quelques mois, avec l’intérieur que par des sentiers impraticables aux voitures. Un meilleur avenir semble se préparer : la bordure de galets blanchâtres qui du large donne au pourtour de cet abri l’apparence d’un quai se rattache déjà au chef-lieu du canton par une chaussée dont l’empierrement demeure vierge dans la partie qui en serait la plus fréquentée, si elle aboutissait au plus modeste embarcadère. Bientôt une voie plus courte et plus unie se dirigera sur Cherbourg, et il faut espérer, dans l’intérêt de la défense du territoire aussi bien que dans celui de l’agriculture, que cette route sera prolongée jusqu’à l’anse de Saint-Martin et à l’échouage de Goury. Les effets combinés de ces communications et ; des travaux hydrauliques réclamés par Vauban transformeraient le refuge imparfait d’Omonville en un petit port très animé.

En marchant d’Omonville vers l’ouest, on arrive bientôt, à travers un pays accidenté, à l’anse de Saint-Martin, qui, découpée dans de hautes terres, est le meilleur abri naturel qu’offre la côte de Normandie. Le rivage décrit les cinq huitièmes d’un cercle ; l’entrée, ouverte sur la face septentrionale du cap de La Hague, a, des roches de Martiauroc à celles des Herbeuses, 1,800 mètres ; l’eau est profonde, et si la houle y est souvent forte par les vents du nord-est au nord-ouest, le calme y règne par tous les autres. Pour devenir une rade parfaite, il ne manque à l’anse Saint-Martin que d’être mise à couvert du nord. François Ier, qui comprit la puissance de la navigation aussi bien que celle des lettres, reconnut l’avantage de cet abri ; il fit protéger dès 1520 l’anse Saint-Martin par une batterie dont on a depuis peu changé la disposition, mais non l’emplacement, et l’on s’explique mal comment, après avoir fixé l’attention de ce prince, cette anse échappait en 1640 aux recherches des commissaires du cardinal de Richelieu. En 1664, Colbert de Terron, l’intendant de la marine, rendant compte au grand Colbert de l’état des côtes de la Manche, estimait qu’avec 3 ou 400,000 livres on convertirait l’anse en une fosse fermée capable de recevoir des vaisseaux de ligne et vingt-cinq frégates. Trente ans plus tard, Vauban signalait le parti qu’on pouvait en tirer ; mais, tout entier à ses projets sur Cherbourg, il se gardait d’en compliquer les chances d’exécution en détournant par des propositions intempestives les ressources qu’il entendait y appliquer. Enfin en 1832 et en 1845, les hydrographes de la marine ont donné des cartes et une description détaillée de l’anse de Saint-Martin.

La citadelle maritime que les Anglais élèvent à Aurigny a rappelé l’attention sur cet atterrage, autour duquel on ne voit d’habitations que celle du garde de la batterie et quelques huttes de pêcheurs, et qui n’a d’utilité que pour les bâtimens qui étalent la marée en attendant