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enceinte formidable, les Normands y bravaient en sécurité leurs victimes. Gisant à dix-sept lieues marines au nord, l’Angleterre offrait, de la pointe de Dangeness au Cap-Lézard, 500 kilomètres de côtes à leurs déprédations ; à l’est, ils se rabattaient sur la baie de Seine ; à l’ouest, sur les îles de la Manche et sur la Bretagne tout entière. De ce repaire, ils tombaient à l’improviste sur les populations riveraines du canal, puis disparaissaient dans le lointain des mers, comme l’aigle qui se perd dans la brume en emportant sa proie dans l’aire que lui seul connaît.

À l’aspect des fronts et des profils du Hague-Dyck, il est aussi impossible d’en méconnaître la destination que de se méprendre sur la direction d’une épée quand on en voit la garde. Les doutes ne sont guère plus permis sur la nationalité des fondateurs de ces fortifications. Si leurs œuvres ne disaient pas assez quels ils étaient, si les traces empreintes sur le terrain n’étaient point assez significatives, on en trouverait le complément dans l’origine Scandinave des noms d’une quantité de lieux environnans. Ce qui frappe d’abord un peuple navigateur, ce sont les points saillans qui servent d’amers aux atterrages vers lesquels il tend, et les noms de Jardeheu, de Laitheu, de Tranchdheu[1] n’ont pu être donnés que par des Scandinaves aux hauteurs voisines d’Omonville. La plupart de roches et des écueils des environs de La Hague portent des dénominations qui découlent de la même source. En explorant d’autres côtes, on les trouve jalonnées de noms imposés par les mêmes dévastateurs, et, en se laissant guider par ce fil au milieu des ténèbres de l’histoire du moyen âge, on arriverait sans doute à d’importantes découvertes. Cette recherche a de quoi tenter des esprits curieux, et le meilleur point de départ serait peut-être la place d’armes de La Hague.

II.


Une tendance semble aujourd’hui prévaloir dans l’administration de la marine : c’est d’avoir plus de bâtimens de guerre que l’état du personnel naval ne permettrait d’en armer et de garnir les bassins de nos ports de carènes destinés à devenir la proie du temps et des vers de mer. Sans chercher à percer les mystères de la politique ni les obscurités de l’avenir, la prévoyance la plus vulgaire recommande toutes les mesures qui peuvent concourir à mettre le personnel disponible en équilibre avec le matériel de la flotte, et quand la pêche n’aurait pas d’autre avantage que d’être la meilleure des

  1. De Hoc, hauteur.