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Le pays de La Hague se prête à de si fécondes améliorations, et la réalisation en importe tant aux plus chers intérêts de l’état, qu’on ne saurait ni désespérer d’y ramener la population, ni se dispenser de marcher énergiquement vers ce but. L’entreprise exige plus d’intelligence et d’esprit de suite que de dépense. Sur 14,966 hectares que possède le canton, 4,043 sont absolument incultes ; mais ce chiffre ne comprend pas des friches auxquelles on arrache de dix en dix ans une maigre récolte : le cadastre les classe au dernier rang des terres cultivées, et le plateau de La Hague n’en présente presque pas d’autres. La vigueur des plantes grossières qui croissent sur ce sol en atteste la qualité ; l’obstacle à la mise en valeur des terrains est la violence des vents de mer qui tordent et dessèchent les plantes utiles qu’on lui confie. Les habitans cherchent un remède à ce mal dans l’élévation de murs en terre autour des champs ; mais l’insuffisance de ces abris est manifeste, et sans une protection plus efficace ces terres ne paieront jamais l’intérêt des capitaux nécessaires à la culture. L’observateur placé sur le clocher célèbre de la cathédrale d’Anvers n’apercevait naguère sur la rive opposée de l’Escaut qu’une vaste plaine désolée ; il croit y voir aujourd’hui une forêt dont les limites se confondent avec celles de l’horizon. Qu’il pénètre sous ces ombrages : la forêt apparente est un ensemble régulier de lignes d’arbres dont le plus âgé n’a pas quarante ans. Ces plantations ont corrigé le régime atmosphérique qui frappait de stérilité la place qu’elles occupent ; quand l’orage en secoue violemment les cimes, l’air demeure calme un peu plus bas, et des sables bien plus maigres que le plateau de La Hague se sont transformés, sous leur protection, en champs fertiles. Ce qui s’est fait en Flandre peut se faire en Normandie, et qu’on ne prétende pas que de semblables rideaux de verdure ne se formeraient pas à La Hague. Comme pour démentir un préjugé que l’incurie propage pour sa justification, un habitant du Dauphiné, devenu vers la fin du siècle dernier propriétaire du château de Beaumont, a planté tout à côté, sur l’arête même de la presqu’île, un bois de 50 hectares, qui est une protestation vivante en faveur de l’aptitude à nourrir des plantations qu’on prétend dénier à ce territoire. Le bois de Beaumont porte, il est vrai, les marques des combats qu’il soutient ; mais la victoire n’en est que mieux constatée. Le rang d’arbres qui reçoit le premier choc des vents du nord est bas et rabougri ; le second le dépasse et forme avec ceux qui suivent un talus de feuillage au sommet duquel la végétation prend son niveau régulier. La seule objection que laisse