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reviennent aujourd’hui à des sentimens plus favorables pour les amis de Vane et de Hutchinson, pour les sectaires enthousiastes, ancêtres des plus nobles tribus de la nation américaine.

La confiance dans le mouvement de notre siècle, l’étude des besoins actuels de la société, la recherche des principes politiques et économiques qui peuvent remplacer les préjugés routiniers des vieux gouvernemens, la sympathie pour tous les opprimés, la curiosité pour toutes les nouveautés, l’esprit libéral en un mot, tout est donc à sa place dans ces congrégations chrétiennes, dont l’existence est encore disputée. Ces congrégations peuvent même s’allier sans crainte à la pure philosophie, lorsque celle-ci, sans arrière-pensée ni réserve, adhère aux principes de la religion et se montre sincèrement conciliable avec les croyances sacrées qu’elle ne partage pas. Les intérêts de la raison sont au fond du même côté que les droits de la conscience. Aussi ne pouvons-nous trouver à redire au mouvement de liberté intellectuelle qui se manifeste depuis peu dans la littérature anglaise. Un bon nombre d’écrivains ont abordé les grandes questions que les hommes d’église auraient voulu se réserver. La timidité qui, pendant les trente années immédiatement postérieures à 1790, avait un peu abaissé la pensée a fait place à cette fermeté d’intelligence, à cette tranquille hardiesse qui ne s’épouvante d’aucune question, qui juge tout ce qu’elle respecte, et qui croit que toute vérité gagne au remplacement de l’autorité par la raison.

Les lecteurs de la Revue ont été plus d’une fois entretenus des écrits de M. Greg ; ils le connaissent pour un publiciste et un économiste hautement distingué, qui suit d’un œil inquiet et clairvoyant toutes les vicissitudes de la société contemporaine, qui augure bien de ses destinées sans ignorer ses périls, qui sonde ses maux, mais pour les guérir, et qui lui donne, avec autant d’indépendance que de talent, les conseils de la sagesse. Dans les divers essais déjà publiés où il a comparé son pays aux autres états du continent, il a montré généralement qu’il savait distinguer à merveille l’esprit réformateur de l’esprit révolutionnaire. Il a signalé plus d’une fois ce caractère licencieux que revêt souvent en Europe l’esprit de liberté, et qui le rend quelquefois entreprenant sans but, dangereux et impuissant, incapable de respecter, rien de ce qu’il n’a pas fait, et de fonder après avoir détruit. Il a bien vu que ce mal avait une cause morale qui devait être cherchée ailleurs que dans les idées politiques du temps, idées généralement aussi sages que les hommes le sont peu. Il a reconnu que cet état moral, qu’il serait trop long de décrire, se liait à un affaiblissement du principe religieux dans l’humanité. Cet affaiblissement est plutôt un effet qu’une cause,