Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 19.djvu/309

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’empire germanique commandait manifestement de déférer la couronne à l’époux de Marie-Thérèse, et l’intérêt non moins réel de la France lui aurait prescrit, sans faire à ce choix une opposition inutile, de mettre la reconnaissance de François de Lorraine au prix de concessions solides. Malheureusement l’un des caractères des gouvernemens faibles est de résister longtemps, soit faute de clairvoyance, soit faute de courage, aux dénoûmens obligés. La France, qui avait pris les armes pour arracher à la reine de Hongrie la couronne de ses pères et pour porter le sceptre impérial dans la maison de Bavière, poursuivait sans aucun but une guerre dont les événemens accomplis ne laissaient plus rien à attendre : la lutte continuait par la seule raison qu’elle était commencée.

Louis XV reprit au printemps la route des Pays-Bas, où la marquise de Pompadour ne tarda pas à venir le rejoindre. Cette fois le programme ordinaire des expéditions royales avait été notablement modifié. La présence d’une formidable armée anglaise en Flandre contraignit le maréchal de Saxe à déployer toutes les ressources de son génie militaire, et la guerre de siège fut remplacée par la plus glorieuse campagne du règne. Le 11 mai 1745, Dieu donna à la France la victoire de Fontenoy, arrachée par une fougue héroïque, comme pour prouver à la nation, à la veille de tant de malheurs, que, bien commandée, elle serait toujours digne d’elle-même. Dans cette bataille longtemps incertaine, Louis XV avait porté au milieu du péril un calme relevé par sa magnifique attitude ; le jeune dauphin y avait déployé une ardeur que faisait ressortir encore la gravité précoce de sa vie : Fontenoy est donc une date solennelle de l’histoire ; mais au lendemain de cette grande journée, la dernière de l’ancienne monarchie, on dirait que la décadence commence malgré Raucoux et Lawfeld, car la France n’obtient plus que des succès stériles, dont ses ministres ne profitent pas mieux que ses généraux.

Sitôt après la victoire de Fontenoy, le fils du malheureux empereur créé et soutenu durant quatre ans par nos armes désertait l’alliance française, et la Bavière traitait avec Marie-Thérèse. Le roi de Prusse, auquel cette vindicative princesse avait juré de reprendre la Silésie, de quelque prix qu’il fallût la payer, se trouvait, après la diversion tentée avec tant d’opportunité pour dégager l’Alsace, réduit à l’une de ces extrémités, si fréquentes dans sa vie, dont il sortit toujours par l’accord de sa fortune avec son génie. En se plaignant avec une irritation assez fondée que Louis XV eût concentré dans les Pays-Bas les efforts de ses armes, Frédéric II lui écrivait après Fontenoy que cette brillante journée avait servi la cause de ses alliés à peu près comme si elle avait eu lieu sur les bords du Scamandre. Aussi, avec l’égoïsme affiché qui faisait le fond