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même tous les ans. Dans ces coutumes gauloises, on a cru retrouver la source de certains usages conservés longtemps dans plusieurs cantons de la France. Ainsi, aux environs de Sarrelouis, des partages entre les habitans de chaque village à des époques déterminées se renouvelaient encore au dernier siècle, et le pays portait le nom de pays commun de Sargau. Dans les Pyrénées, où les invasions germaniques n’ont jamais pénétré et où un tel usage ne peut être imputé aux Germains, dans le Béarn et la Navarre, pendant tout le moyen âge, on a vu des communes régler elles-mêmes entre leurs membres les conditions de la jouissance et même celles de la propriété du sol. De nos jours, la république d’Andorre est restée debout avec ses deux syndics et son conseil de vingt-quatre familles, et tous les gouvernemens ont respecté l’indépendance de cette grande commune, où survit la constitution primitive de ces anciennes tribus libres. Enfin dans les petites îles d’Hœdic et d’Houat, situées près de Belle-Ile-en-Mer, la population n’a jamais formé qu’une seule famille, qu’une seule communauté, qui a conservé sans division et sans partage la propriété du sol. On a remarqué en outre que là où régnait la propriété collective, chaque tribu ou communauté se considérait comme une grande famille, que les membres de cette famille demeuraient liés par une antique parenté dont le souvenir se conservait religieusement pendant un nombre considérable de générations, et M. Dareste, qui a fait cette observation, n’hésite pas à rattacher à cette tradition l’usage qui s’est perpétué dans certaines contrées d’étendre la parenté bien au-delà des limites ordinaires, comme dans le pays de Galles, où l’on comptait dix-huit degrés de parenté, comme en Basse-Bretagne, cette terre classique de la résistance et des traditions, où l’on se regarde comme cousin tant que subsiste dans les familles le souvenir d’un auteur commun.

Quant à la propriété individuelle, elle n’apparaît qu’au second plan : elle ne se manifeste pour ainsi dire qu’à la seconde période de la constitution gauloise ; mais elle se développe sans absorber la propriété collective. Certains biens restent toujours indivis et communs ; la famille et la communauté ont leurs biens propres ; la communauté est alors régie par des administrateurs spéciaux, mais le statut communal ne se révèle avec des règles précises que sous la domination romaine. Tels sont les faits constatés par la science moderne ; ces données sont en parfait accord avec les enseignemens de la philosophie politique. Ainsi, d’un côté, la commune, telle que nous l’envisageons, s’est formée avant la loi ; de l’autre, la propriété communale, qui a aussitôt suivi, a eu le pas sur la propriété individuelle. Voilà pourquoi de tout temps, par l’instinct ou par la science, on a été conduit à reconnaître à la commune une