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égard être appliqué à celle du XVIIe. « Le peuple, qui ne se laisse pas prendre aussi aisément qu’on se l’imagine aux vains semblans de la liberté, cesse alors partout de s’intéresser aux affaires de la commune, et vit dans l’intérieur de ses propres murs comme un étranger. Inutilement ses magistrats essaient de temps en temps de réveiller en lui ce patriotisme municipal qui a fait tant de merveilles dans le moyen âge : il reste sourd. Les plus grands intérêts de la ville semblent ne plus le toucher. On voudrait qu’il allât voter là où on a cru devoir conserver la vaine image d’une élection libre : il s’entête à s’abstenir. Rien de plus commun qu’un pareil spectacle dans l’histoire[1]. » S’agit-il de renouveler les maires et les échevins, des intendans sont envoyés dans les villes, et ce sont eux qui président aux élections. Parfois le roi désigne lui-même les citoyens qui doivent être élus par les habitans. La forme des lettres du souverain écrites à cette occasion ne varie guère ; elle mérite d’être remarquée. Vers 1650, Louis XIV écrivait aux consuls et aux habitans de la ville d’Uzès : « Sachant que vous devez bientôt procéder à la nouvelle élection des consuls de la ville d’Uzès, nous avons considéré combien il étoit à propos qu’il y eût des personnes établies auxdites charges qui s’en puissent bien acquitter, et d’autant que nous nous sommes bien informé de la probité et autres bonnes qualités qui sont aux nommés Jean Rozier, Israël Laurens, Charles Regnaut et François Hoste, comme aussi de l’affection qu’ils ont à notre service et au repos et tranquillité de leurs citoyens, nous avons voulu vous faire cette lettre, par laquelle nous vous mandons et ordonnons que vous ayez, pour cette fois seulement, à les admettre auxdites charges de consuls par préférence à tous autres, pour en faire les fonctions durant l’année prochaine ; le tout néanmoins sans préjudice à vos privilèges, dans la liberté desquels notre intention est toujours de vous maintenir et conserver à mesure que vous vous en rendrez dignes par la fidélité et obéissance que vous nous devez[2]. » Quelquefois la désignation des maires et échevins est motivée sur la nécessité d’assurer la tranquillité des citoyens et de détruire « les brigues et les monopoles qui se font entre les habitans pour empêcher la liberté des suffrages. » Le moyen était au moins singulier. Si les habitans préféraient un autre candidat, l’élection était tout simplement annulée.

M. Depping, après avoir analysé la correspondance administrative sous Louis XIV et après avoir constaté que la liberté des élections

  1. L’Ancien Régime et la Révolution, chap. 5.
  2. Cette lettre et plusieurs autres, rapportées dans la Correspondance administrative sous le règne de Louis XIV, n’ont pas de date. M. Depping suppose qu’elles ont été écrites de 1650 à 1660. — Voyez tome Ier, p. 636 et 637.