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son intérieur, et pourvoit à tous ses besoins, en y employant ses revenus, sans que la puissance publique puisse venir croiser cette autorité domestique, tant que celle-ci ne fait rien qui intéresse l’ordre général. » Rien n’était plus rationnel ; le soin des affaires domestiques, voilà ce qui devait constituer l’indépendance communale. En conséquence, après avoir reconnu à la commune une existence propre, la liberté de choisir ses agens, l’assemblée constituante la soumit à la simple surveillance de l’état pour sa police intérieure et les actes d’administration proprement dite, et à l’autorité de l’administration de département, qui devait être remplacée bientôt par celle de l’état, pour les actes susceptibles d’engager l’avenir[1]. La loi des municipalités est trop connue pour qu’il convienne de s’y arrêter plus longtemps. Nous ne prétendons point que cette conception législative fût parfaite dans toutes ses parties ; quelle est la loi dont on a jamais pu faire un tel éloge ? Mais nous ne serons pas le premier à dire que, dans son ensemble et ses traits généraux, elle réalisait admirablement pour les communes ce qu’on est convenu d’appeler les grands principes de 1789. Après un assez long interrègne, lorsqu’il s’agit de rétablir la liberté municipale en France, c’est à l’œuvre de l’assemblée constituante qu’on eut recours ; dans ses dispositions fondamentales, la loi du 18 juillet 1837 en est la reproduction la plus intelligente et la plus fidèle.

Toutefois, en ce qui concerne le droit de propriété individuel des communes, l’assemblée constituante n’entreprit pas plus de le proclamer législativement que celui des particuliers et de l’état. Suivant elle, il suffisait de l’affirmer par ses actes. Il entrait, on le sait, dans les vœux du pays, énergiquement manifestés par les cahiers, de supprimer les corps et les communautés que le long règne de la féodalité avait partout enfantés. Dans un état régulièrement organisé, les corps et les communautés ne peuvent avoir qu’un objet, l’utilité publique. Du jour où ils ne répondent plus à cette utilité, lorsque, cessant d’être utiles, ils peuvent devenir nuisibles, la loi qui leur avait donné la vie peut la leur retirer ; l’état, qui s’était déchargé sur tel ou tel établissement d’un service public, peut revendiquer ses prérogatives et remplacer lui-même cet établissement. « Le droit qu’a l’état, disait Thouret, de porter cette décision sur tous les corps qu’il a admis dans son sein n’est pas douteux, puisqu’il a de tout temps et sous tous les rapports une puissance absolue, non-seulement sur leur mode d’exister, mais sur leur existence. La même raison qui fait que la suppression d’un corps n’est pas un homicide fait que la révocation de la faculté accordée aux corps

  1. Décret du 14 décembre 1780,