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l’avantage évident. Dans ce système, la masse des biens communaux serait mise aux enchères, et dans toutes les communes l’inscription à 4 1/2 pour 100 remplacerait les titres actuels de propriété. Les parchemins du moyen âge, les chartes d’affranchissement, autant de vieilleries et d’inutilités ! S’y attacher aujourd’hui, c’est le fait des antiquaires, et non des administrateurs. Notre siècle de métal et de primes a changé tout cela !

Ce système a ses partisans sincères et convaincus, nous le voulons ; mais il a aussi ses adversaires : il en a trouvé dans la majorité des conseils-généraux, qui l’ont repoussé ; il en a trouvé aussi dans des écrivains sérieux qui n’ont vu là qu’un fâcheux expédient ou qu’un dangereux empirisme. Comment d’abord ce qui est vrai pour les fortunes particulières ne le serait-il pas pour la fortune communale ? Qu’on remonte dans le passé des familles, et qu’on recherche quelles sont celles qui ont traversé le plus heureusement les crises, les révolutions et les commotions sociales ; qu’on se demande en même temps ce que sont devenues les fortunes mobilières : on verra que l’aisance est restée là surtout où la fortune consistait non en capitaux, mais en terres. Il y a dans la facile mobilité du capital des avantages incontestables, mais il y a aussi des dangers nombreux de dépérissement et de ruine. Sait-on résister à un besoin même passager, à un caprice, quand on peut si promptement et si facilement le satisfaire ? Le directoire avait défendu aux communes de vendre leurs biens sans une loi ; les hospices étaient soumis à la même règle. Sous le consulat, le ministre de l’intérieur demandait qu’il fût permis aux hospices d’aliéner leurs biens sans recourir aux gênantes formalités d’une loi et de placer leurs fonds sur l’état. « Il y a, disait-il, avantage à mettre hors des mains des administrateurs des hôpitaux une masse de propriétés dont les revenus, prélèvement fait des frais de gestion et des non-valeurs, se trouvent le plus souvent réduits au tiers de leur produit, et à les convertir en un revenu plus réel. L’emploi en acquisitions de rentes sur l’état est ce qu’en administration on peut faire de mieux, et surtout dans les circonstances où l’on peut par ce mode doubler son capital et son revenu. Sous ce seul point de vue, je ne pense pas qu’il y ait à balancer ; la mesure, utile en elle-même aux établissemens de charité, le sera pareillement au gouvernement sous les rapports politiques, en ce qu’elle retirera de la circulation une masse assez considérable d’inscriptions de rentes, et influera par ce moyen de la manière la plus sensible pour la hausse de cette nature d’effets publics[1]. » Le conseil d’état cependant maintint la règle, « considérant, dit-il, qu’on ne saurait donner trop de solidité et de garantie

  1. Rapport du ministre de l’intérieur portant là date d’imprimerie du 2 floréal an XI.