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des biens. Permettre ici à l’autorité supérieure d’agir d’office, ce serait, on le voit, rayer de la loi municipale le principe le plus essentiel de cette loi même, et croiser l’autorité locale dans l’administration de ses biens. La chose est grave, car il ne faut pas perdre de vue que le principe inscrit dans la loi de 1837 est au nombre de ceux qu’on élève et qu’on a raison d’élever au-dessus de tous les autres ; il s’agit pour les communes d’un de ces grands principes de 1789, qui ont fondé leur indépendance en proclamant qu’elles avaient des droits propres, et en traçant la limite au-delà de laquelle ne pouvait s’avancer sans empiétement et sans violence le gouvernement lui-même. La loi de 1837 a conservé au pouvoir central toute l’autorité dont il avait besoin, mais en même temps elle a voulu affranchir les communes. Le mot parut exagéré à quelques-uns. M. Vivien l’expliquait en ces termes : « On a contesté, dit-il, qu’il pût y avoir lieu à l’affranchissement, on a accusé cette expression d’être injuste et impropre. — L’affranchissement des communes, a-t-on dit, ne pouvait être demandé que quand elles gémissaient sous le joug politique ; aujourd’hui les habitans sont libres, les droits de chacun sont garantis : il n’y a plus d’affranchissement à concéder dans un pays de liberté commune. — Cela est vrai au point de vue où l’on se place ; mais il ne s’agit pas de restituer aux communes une liberté politique qui appartient à tous les citoyens et qui n’a point un caractère communal : il s’agit seulement de leurs intérêts matériels, de leur administration, et à cet égard le régime actuel comporte une réforme qu’on peut, à juste titre, qualifier d’affranchissement. Le pouvoir municipal est méconnu : l’administration centrale se substitue à son action ; elle se met au lieu et place de la commune ; elle remplace le droit de veto qui lui appartient par un droit d’initiative qu’elle n’a pas ; elle n’accorde à la commune, en aucune circonstance, le droit de statuer définitivement sur ses propres intérêts. Tel est le régime qu’il convient de corriger. Nous croyons nécessaire de rendre au pouvoir municipal toutes les attributions qui lui appartiennent d’après sa nature et son objet. »

Il n’est donc pas possible, sans faire violence à la loi actuelle, d’enlever à la commune le droit dont elle jouit de régler l’administration de ses biens, et qui est au nombre de ses prérogatives les plus essentielles. Voilà pourquoi nous nous séparons complètement ici de M. Cauchy, qui se prononce pour l’amodiation d’office. M. Cauchy a cru trouver des précédens législatifs ; il n’a pas remarqué que les lois qu’il citait émanent de la convention et de l’empire, sous lesquels était anéantie l’initiative communale, et qu’avec la législation actuelle la tutelle administrative, qu’il croit pouvoir étendre jusqu’à l’intervention d’office, n’existe pas précisément