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esprit de leurs couleurs. Bien venues sont donc les circonstances qui ont empêché l’achèvement de cette publication selon le plan primitif ; elles nous ont valu une œuvre nouvelle, pleine de fraîcheur et de charme, où la haute moralité de l’âge mûr s’exprime avec l’adorable candeur de l’adolescence, où l’amer désenchantement de l’expérience s’exprime avec la sérénité de la quiétude et la joie calme du bonheur sérieux, une œuvre qui fait dire lorsqu’on l’a terminée : A la bonne heure ! voilà une âme qui connaît véritablement le prix de la vie, qui sait de quelle qualité inférieure sont toutes les choses réelles que la vie nous offre, mais en revanche de quelle haute valeur sont les désirs dont elle nous enflamme et les illusions dont elle nous berce.

Un usage fort légitime veut qu’on remercie toute personne qui vous rend un service, ou seulement vous procure une occasion de plaisir. Combien nous serions ingrats et impolis si, après la lecture du nouveau livre de M. Quinet, nous nous abstenions de lui adresser ce remercîment public auquel il a droit, et qui est la récompense naturelle que, dans une société bien ordonnée, les honnêtes gens doivent à tout esprit consciencieux et sincère ! Je ne marchanderai pas à M. Quinet sa récompense ; mais cela ne me suffit pas, je ne voudrais pas plus être égoïste qu’impoli : je voudrais faire partager aux autres le plaisir que m’a donné ce livre, leur faire éprouver, si c’est possible, la joie confiante qu’il m’a laissée, et, de même qu’on invite un ami à venir contempler chez soi quelque célébrité du jour, inviter le public à entrer pendant quelques heures en conversation avec une âme originale et éloquente. En un mot, je désire que ce livre soit lu, je le déclare naïvement, et j’ose espérer que mon désir sera satisfait. Pour justifier mon désir, j’ai plusieurs raisons que je crois excellentes. En premier lieu, il est à craindre que ce livre ne soit pas assez lu, non par suite de l’indifférence du public, mais par suite de l’ignorance où on le laisse plongé. Le public, contre lequel on crie souvent à tort, a ses affaires après tout, et attend qu’on lui désigne les livres qu’il doit lire et ceux qu’il doit se garder d’ouvrir. Il se repose sur la critique du soin de l’éclairer à cet égard. Quel que soit le mérite d’un livre, surtout lorsqu’il se présente dans les conditions de notre présent protégé, il est fort à craindre qu’il passe à demi inaperçu, si les recommandations de la publicité lui manquent. Et puis il y a des écrivains qu’une sorte de noble pudeur empêche de solliciter les faveurs de la publicité, et qui voudraient ne rien devoir qu’à l’équité de la presse et de la critique. Ces écrivains sont rares, je l’avoue, mais enfin il en existe encore quelques-uns, et dans le nombre on peut citer en première ligne M. Edgar Quinet. Jamais il n’a fatigué de son nom les échos de la