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ont pris, sous l’influence des professeurs et des théologiens de l’Allemagne, un caractère chrétiennement philosophique qui a donné une certaine nouveauté à des idées jusqu’à présent plus louables qu’originales.

Nous avons applaudi à la largeur des vues exprimées souvent dans les délibérations de l’alliance. Malgré la sincérité de ses vœux de concorde et d’harmonie, nous doutons cependant qu’elle ouvre jamais les bras à toute la famille chrétienne. On peut renoncer à cette impraticable universalité ; mais il ne faut pas se l’interdire d’avance par des réminiscences de la guerre au milieu de la paix. En Angleterre surtout, on aurait à se préserver de ces formes hostiles de langage qui démentent les sentimens de la charité au moment où l’on vient de les exprimer. Ainsi, dans la grande conférence de Londres de 1851, le révérend William Cuningham, bien connu pour la part qu’il a prise à l’établissement de l’église libre d’Ecosse, celui même qui avait, six ans auparavant, ému toute l’assemblée en se reprochant la vivacité de ses luttes antérieures avec le révérend John Brown, pasteur de l’église établie, a soutenu didactiquement que l’église romaine ne devait pas être regardée simplement comme une des sections du christianisme, et que le papisme était un grand système clairement produit dans le monde de Dieu comme l’œuvre spéciale de Satan. Ce langage est du temps des puritains, il est étrange dans la bouche d’un professeur d’un de ces collèges où l’on enseigne la philosophie du sens commun ; mais telle est l’Ecosse. Elle croit volontiers que la nature humaine est faite pour la vérité en tout, excepté en religion, que le signe de la vérité, qui est en tout l’universalité, est en religion la singularité, et que tandis que le christianisme vient de Dieu, la majeure partie de l’établissement chrétien dans le monde vient du diable. Assurément ce n’est pas ainsi que s’exprimerait le révérend John Cairns, chrétien et philosophe tout ensemble, qui est entré dans le conseil exécutif de l’Alliance évangélique[1], et les orateurs habituels de ses conférences sentent et parlent autrement. Cependant on ne peut se dissimuler que la branche anglaise de l’association a été constituée avec l’intention formelle d’exclure les catholiques romains, car des neuf articles qui lui tiennent lieu de symbole il y en a tout au plus cinq que notre église pût accepter.

Il est vrai que sur le continent on a d’autres idées. Ainsi, dans la réunion de Paris, ces conditions dogmatiques de l’alliance ont été modifiées. La branche française s’est officiellement déclarée prête à admettre tous ceux qui « confesseraient avec elle, conformément

  1. M. Cairns est l’auteur d’une excellente défense de la philosophie écossaise, d’un examen de la doctrine du professeur Ferrier sur la connaissance, et d’une édition nouvelle de l’ouvrage curieux de Math. Culverwell sur la Lumière naturelle.