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Sous l’influence des révolutions qui se succédaient, les provinces mahrattes du Dekkan devenaient désertes ; les troupes des divers chefs de la confédération, campées aux environs de la capitale, portaient de toutes parts la désolation et la ruine. Le peshwa conservait encore l’ombre de l’autorité ; mais tous les plans qu’il formait pour reconstituer un gouvernement avortaient l’un après l’autre.

Dans ces tristes circonstances, tandis que l’empire mahratte, en proie à l’anarchie, allait se dissoudre et périr comme avait péri l’empire mogol, Badji-Rao ne renonçait pas à l’espoir d’envelopper Dowlat-Rao-Sindyah dans quelque mauvaise affaire ; il lui fallait à tout prix forcer le redoutable vassal à s’éloigner. Une circonstance imprévue parut devoir servir ses projets. Les veuves de Madha-Dji-Sindyah continuaient de résider au camp de Dowlat-Rao ; leur époux étant mort à Pounah, elles n’avaient pu se rendre dans l’Hindostan. Au milieu du désordre général, Dowlat-Sindyah servait fort irrégulièrement aux femmes de son grand-oncle les sommes qui leur avaient été allouées à titre de douaire. Les plus âgées commencèrent à se plaindre ; elles allèrent même jusqu’à prétendre que Dowlat-Rao entretenait des relations incestueuses avec la plus jeune des veuves de son père adoptif. Quelques brahmanes s’élevèrent avec indignation contre ce scandale abominable, et Badji-Rao ne vit pas sans satisfaction des germes sérieux de discorde se produire dans le camp du mahârâdja, d’autant plus que cette querelle de famille pouvait dégénérer en question politique. Ce fut ce qui arriva. Les veuves, encouragées par les brahmanes, ayant poussé des cris trop bruyans, Shirzie-Rao-Ghatgay pénétra dans leurs tentes, contrairement à toutes les lois et à tous les usages de l’Orient, les saisit et les fit fouetter sans pitié. Un pareil outrage fait à des femmes sans défense, veuves d’un prince honoré et puissant, mit le comble à l’indignation des brahmanes qui se constituaient les défenseurs des princesses veuves. Leur colère s’enflamma avec d’autant plus de facilité qu’ils appartenaient en grande partie à la famille de Balloba-Tantya, alors emprisonné, et que Shirzie-Rao avait remplacé en qualité de ministre auprès de Dowlat-Sindyah. Désireux de soustraire les veuves de Madha-Dji aux odieux traitemens de Shirzie-Rao, ils intervinrent dans cette affaire comme négociateurs. Après de longs débats, il fut convenu que les malheureuses princesses, — bhaïes, les mères, comme on les appelait par respect, — quitteraient le camp de Sindyah et se retireraient dans la province d’Agra.

Les bhaïes étaient à peine parties que le bruit d’une trahison se répandit dans le camp. On disait que les princesses allaient être conduites au fort d’Ahmednagar, devenu une prison d’état depuis que Nana-Farnéwiz y était détenu. À cette nouvelle, grand émoi