Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 19.djvu/484

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

triste rôle qu’il jouait à Pounah aux dépens de sa popularité et de son honneur ; il se voyait exécré de tous pour des actes qu’il ne savait pas réprimer. Le mal qu’il n’avait pas la force d’empêcher, il se décida par faiblesse encore, et comme subjugué par les conseils des deux brahmanes qui se partageaient le gouvernement, à le couper dans sa racine. Sans doute c’était la mort de son beau-père que l’on eût désirée ; mais comment demander à un gendre un pareil acte de justice ? Après de longs entretiens, cédant aux remontrances de Nana-Farnéwiz et aux paroles pressantes du peshwa, le mahârâdja donna l’ordre d’arrêter Shirzie-Rao-Ghatgay. La nouvelle de cet événement fut accueillie avec une joie universelle ; on respira plus librement dans la capitale. L’irritation publique se calma un peu, et dans les régions du pouvoir il se fit une trêve dont avait grand besoin l’empire mahratte, livré depuis trois années aux horreurs de l’anarchie.


III

Tandis que Dowlat-Rao-Sindyah, parvenu au faîte de la puissance, maître des plus belles provinces de l’Hindostan et tenant en otage à Dehli le sultan aveugle Shah-Alain II, exerçait dans la capitale même de la confédération mahratte une autorité plus grande que celle du peshwa, la famille de Holkar subissait les plus cruelles épreuves. Nous avons vu comment l’espoir de cette famille, Molhar-Rao, avait péri dans une embuscade, victime des jalousies de son frère Kasi-Rao, secondées par l’ambition de Dowlat-Sihdyah. Infirme et imbécile, Kasi-Rao-Holkar régnait sous la dépendance du jeune mahârâdja, dont il avait imploré le secours ; mais il restait deux autres fils de son père, Djeswant-Rao et Witto-Dji-Rao, que leur naissance illégitime ne rendait pas moins chers au peuple et à l’armée. Après le meurtre de Molhar, dont ils avaient embrassé le parti, les deux jeunes princes prirent la fuite. Suivi seulement de quelques cavaliers dévoués à sa personne, Djeswant-Rao courut chercher un refuge près du râdja de Nagpour. Celui-ci appartenait à la confédération mahratte ; effrayé des menaces que lui adressaient à la fois le peshwa et Dowlat-Sindyah, il fit emprisonner le prince fugitif, qui implorait sa protection. Après six mois de détention, Djeswant parvint à s’évader. Arrêté une seconde fois, il trompa la vigilance de ses gardiens, et put atteindre la province de Kandeish, coupée de montagnes abruptes et de vallées profondes. Sa suite ne se composait que de deux personnes, un soldat musulman et un Hindou d’un grade inférieur, qui avaient partagé sa mauvaise fortune et sa captivité.