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brave De Boigne, et par le chevalier Du Dernaic, jadis au service de Holkar, s’élevait à trente mille combattans. Les chefs placés sous les ordres de Raghou-Dji-Bhounslay, mercenaires de toutes races, avaient amené environ vingt mille soldats mal armés, mal disciplinés et bons tout au plus pour guerroyer contre des indigènes. il résulte de ce calcul que les confédérés pouvaient mettre en ligne quatre-vingt-mille hommes de bonnes troupes, sans parler des corps irréguliers. Cette formidable armée ne se trouvait pas réunie sur un même point; elle était répartie dans les provinces du midi, devenues le théâtre de la guerre, dans le Malwa et dans l’Hindostan[1]. Une proclamation du gouvernement anglais avait enjoint à tous les sujets britanniques d’abandonner le service de Sindyah, en leur promettant une paye égale à celle qu’ils recevaient du mahârâdja ; les autres Européens étaient invités à en faire autant aux mêmes conditions. Ces derniers restèrent fidèles au drapeau de Dowlat-Rao, mais les premiers durent obéir, et leur retraite laissa un vide regrettable dans les rangs des troupes mahrattes.

Si le mahârâdja avait été moins présomptueux, il aurait écouté les avis de son allié, le râdja de Nagpour, qui lui conseillait de harceler l’ennemi et d’éviter les rencontres. À ce prix, il pouvait espérer la victoire avec d’autant plus de raison que les propres troupes du peshwa manifestaient l’intention d’abandonner les Anglais à la première occasion favorable pour se joindre à lui. Malheureusement Dowlat-Rao-Sindyah, fier de ses bataillons réguliers et de sa belle artillerie, eut l’imprudence de livrer un combat en règle, dans lequel la bravoure de ses Mahrattes vint échouer contre l’habileté, le sang-froid et l’audace du général Wellesley (lord Wellington). La bataille se livra près de la petite ville d’Assye, dans la province de Berar, le 23 septembre 1803. L’année des Mahrattes, forte de cinquante mille hommes selon les uns, — de trente mille seulement selon les autres, — fut attaquée avec une impétuosité extraordinaire par les troupes

  1. Sir John Malcolm dit qu’au commencement de la campagne l’infanterie régulière de Sindyah consistait en soixante-douze bataillons formant un effectif de quarante-trois mille six cent cinquante combattans, auxquels il convient d’ajouter une forte artillerie de campagne. — Un corps d’armée considérable était resté dans l’Hindostan sous les ordres du général Perron, chargé de défendre cette province, la plus importante de celles que possédait Sindyah. Parmi les officiers au service de ce prince, on ne peut omettre de citer Joaô Bautista, fils d’un Portugais et d’une brahmane, connu sous le nom du colonel Jean-Baptiste. Il comptait beaucoup de partisans parmi les chefs mahrattes qui approchaient le mahârâdja; mais ce prince, ombrageux de sa nature, résistait toujours aux instances de ceux qui l’engageaient à élever aux premiers emplois ce brave Portugais qu’ils nommaient le plus grand homme de guerre de son siècle. Catholique sincère, Bautista, s’étant emparé de la ville de Bahadourghar, changea ce nom païen en celui de Yésoughar, fort de Jésus.