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plus précieuse ressource, fut décimée dans une rencontre qui eut lieu tout près du fort de Deig. Dans cette même journée, son artillerie, l’une des plus belles qu’ait jamais possédées un prince indien, finit par être à peu près anéantie. Enfin sa brillante cavalerie mahratte, surprise par l’armée anglo-indienne aux environs de Farouckabad, fut taillée en pièces. Cette campagne de l’Hindostan, qui ne dura pas plus de sept mois, établissait à jamais la suprématie de l’Angleterre au centre même de l’empire mogol. Les formidables armées que les chefs les plus puissans de la confédération mahratte semblaient faire sortir de terre allaient se disperser, et les râdjas humiliés devaient accepter bientôt, sous la forme du protectorat, la complète abdication de leur indépendance.

Cependant Djeswant-Rao-Holkar, pareil au sanglier blessé, se retourna une fois encore et fit face aux vainqueurs acharnés à le poursuivre. Il avait perdu ses meilleures troupes et presque tous ses canons, mais non son audace et son indomptable esprit de résistance. Accueilli dans les murs de Bharatpour par le petit râdja de ce district, — qui venait pourtant de se soumettre au protectorat des Anglais, — le hardi Mahratte s’y enferma avec les débris de son armée. Le laisser prendre pied dans cette ville bien fortifiée, c’eût été donner le temps à ses partisans de se rallier, et fournir à Dowlat-Rao-Sindyah, à peine soumis et mécontent, l’occasion de tenter une nouvelle levée de boucliers. Lord Lake, chargé du commandement en chef dans les provinces du nord, comprit qu’il fallait au plus vite déloger Holkar de son repaire. Il marcha avec la plus grande célérité et parut devant Bharatpour le 3 janvier 1805. Cette ville, trop étendue pour être investie, — elle a près de trois lieues de tour, — facilement approvisionnée par les routes restées libres de trois côtés, environnée de fossés profonds, offrait de grands avantages à la défense. Les sujets du râdja, rassemblés à la hâte, étaient venus réparer les murailles aux endroits les plus faibles; ses troupes et celles de Djeswant-Rao garnissaient toutes les fortifications, y compris les parapets d’une citadelle fort élevée qui domine la campagne. Deux fois les Anglais essayèrent de prendre d’assaut cette grande place si bien défendue, deux fois ils furent repoussés avec des pertes considérables. Une division de l’armée de Bombay étant venue rejoindre celle du Bengale, que commandait lord Lake, un suprême effort fut tenté par les assiégeans le 20 février. Pour la troisième fois, ils échouèrent dans leur entreprise. Les assiégés lançaient sur les ennemis, qui se ruaient au pied des murailles et roulaient dans l’eau profonde des fossés, une masse de pots à feu et de balles de coton imprégnées d’huile et toutes flambantes. Jamais on n’avait vu tant d’acharnement dans l’attaque, tant d’habi-